L'art de s'amuser

J’ai fait un trait sur ma culture musicale le jour où je me suis aperçue qu’en dehors des comptines, les seules chansons dont je connaissais encore les paroles dataient d’avant la naissance de mon premier mouflet.

J’ai renoncé aux discussions ciné quand je me suis rendue compte que, non seulement je n’étais allée voir qu’un seul des dix «meilleurs films de l’année», mais qu’en plus j’ignorais absolument de quoi parlait la moitié d’entre eux.

Depuis deux ans, mon iPod à la batterie déchargée est donc rangé dans un tiroir et je n’ai pas réussi à utiliser en entier un pass ciné 5 places, même quand j’invite une copine pour le premier film.

Et là, je dis danger.

Au bout du troisième épisode de Tchoupi, j’ai l’impression que mes deux derniers neurones se courent après dans ma boîte crânienne. Et si le moment le plus palpitant de ma semaine, c’est quand ma fille fait caca au pot, je vais avoir un gros problème d’estime de moi. Difficile aussi de relancer une discussion un peu haut de gamme entre potes en énumérant les noms de dinosaures que vous avez appris pendant la semaine. Bref, ce n’est pas que je cours après le clinquant, mais j’ai eu ressenti le besoin de mettre un vernis culturel sur la peinture un peu terne de mon quotidien.

Comment faire avec deux boulets? J’ai pensé me faire une toile pendant la sieste en me disant qu’ils piqueraient un roupillon, mais la séance «ciné des enfants» m’a surtout convaincue que mon fils allait prendre un malin plaisir à se cacher entre les sièges, voire à se faire la malle, et que je serai poursuivie en justice pour abandon d’enfance, tout ça parce que j’avais envie de voir Inception.

Il me reste donc les expos. Vous noterez, c’est pas mal pour en jeter auprès des copains. «La pépette est folle de Soulages. Au centre Georges-Pompidou, elle pointait du doigt chaque tableau d’un air très inspirée.» Peu importe qu'elle n'est eu que dix mois à l'époque.

Certes, l’exercice oblige à faire des choix drastiques. On n’ira jamais voir Monet avec les gamins (mais faut-il vraiment le regretter?), et à peu près tout ce qui date d’avant le XXe siècle. Sauf si ça date de 70 000 ans avant JC, là, ça se négocie direct avec mon fils au musée d’histoire naturelle.

N'allez pas imaginer non plus que c’est un moment de communion artistique, une sorte de mise en rapport direct avec la création. L’expo, elle se fait en 30 minutes chrono, et ressemble à la scène d'accueil des Bronzés dans leur club de vacances. Les parents sont gonflés à bloc comme des G.O. On est là pour mettre l’ambiance, dirladada, et aujourd’hui, ça va dépoter au Musée d’Art moderne! Il faut que ce soit aussi rythmé qu’un épisode de Friends, blague et bruit de caisse claire toute les trois minutes. Qui trouve la plus grande toile? C’est laquelle ta préférée? Est-ce que tu crois que tu peux faire pareil à la maison? Après, il faut encore dealer avec le nain de 4 ans pour qu'il baisse d'un ton quand il hurle: «Maman, j’en ai trouvé une encore plus grande»!. D’ailleurs, le grand a décidé qu’il était peintre. Et c’est après avoir vu une de ses œuvres qu’on s’est tapé Mondrian. Le plus dur, aujourd’hui, c’est encore de convaincre le papa que son fils n’est pas un génie.

Au final, l’aspect culturel passe rapidement au second plan. Les expos deviennent une activité saisonnière, principalement pratiquée en hiver et les jours de pluie. Parce qu’on a découvert un autre avantage aux musées, au détriment des autres visiteurs : c’est quand même une immense cour de récré.