Hollande et la PMA : la stratégie de l'anguille

KENZO TRIBOUILLARD / AFP

La PMA pour le gouvernement, c'est comme le sparadrap du capitaine Haddock. Ça colle au doigt, impossible de s'en dépêtrer. Déclarations divergentes, hésitation, confusion... Difficile d'y voir clair concernant la question de la procréation médicalement assistée (insémination artificielle et fécondation in vitro). Les assos LGBT et homoparentales réclament depuis longtemps l'ouverture de l'accès à la PMA aux couples de lesbiennes. Si le projet de loi sur le mariage pour tous comporte un volet sur l'adoption, rien n'est prévu sur la PMA, contrairement aux engagements du candidat Hollande. Mercredi, le président de la République a pourtant lâché du lest sur la question, laissant le Parlement se prononcer "souverainement". Tentative d'explication de la stratégie du chef de l'Etat.

1François Hollande avait dit "oui" avant d'être élu... puis non

A plusieurs reprises pendant la campagne présidentielle, le candidat Hollande et son équipe se sont clairement prononcés en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens. Le magazine Têtu lui avait demandé s’il était favorable à cette ouverture de la PMA dans son numéro d’avril 2012. Voici la réponse sans équivoque de François Hollande : "Oui, je l’ai dit. Aux conditions d’âge, bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental. Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes". Le 11 février 2012, George Pau-Langevin, chargée des questions sociétales dans l’équipe du candidat socialiste, l'a également affirmé lors d’un débat organisé par l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens. Une fois élu à l’Elysée, Hollande "proposera un élargissement des conditions permettant d'accéder à la PMA", expliquait George Pau-Langevin. Citons encore Najat Vallaud-Belkacem, alors porte-parole de François Hollande, qui déclarait le 31 mars 2012 à l'occasion du meeting pour l'égalité organisé par l'Inter-LGBT que le futur chef de l'Etat s'engageait à "ouvrir l'assistance médicale à la procréation (...) avec donneur anonyme à tous les couples sans discrimination. Sur ce sujet, d'autres socialistes, les socialistes belges, ont montré l'exemple. On va le suivre". La vidéo de cette déclaration est en ligne (à partir de 11'00).

Finalement, le projet de loi présenté par le gouvernement ne prévoit pas d'accès à la PMA pour les couples de femmes. Jean-Marc Ayrault explique le 10 octobre que cette question comme d'autres ("l'autorité parentale, l'adoption conjointe pour couples non mariés, le droit des tiers, etc.") pourra faire l'objet d'un second texte de loi portant sur la famille, suscitant perplexité et déception chez les associations homoparentales.

2Il avait choisi le silence radio... brisé par un quiproquo

Deux jours après l'adoption du texte en Conseil des ministres, Bruno Le Roux, chef des députés PS, s'oppose au Premier ministre en promettant un amendement du groupe socialiste ouvrant la voie à la PMA aux couples homosexuels. Et fin novembre, une centaine de députés socialistes signent une tribune dans laquelle ils défendent le droit pour "toutes les femmes" de pouvoir recourir à la PMA. Depuis, c'était silence radio au gouvernement au sujet de ce bras de fer engagé par les parlementaires. Le 7 novembre, Christiane Taubira s'est bien gardée de prendre position sur le sujet : "S'il y a effectivement un amendement sur la procréation médicalement assistée, nous aurons la discussion qui convient et nous verrons ce qu'il en adviendra".

Vraisemblablement, c'est une confusion au sein du gouvernement qui lui a fait lâcher du lest. Invitée mercredi 12 décembre par des journalistes à commenter des propos prêtés à la garde des Sceaux, la porte-parole du gouvernement a réagi ainsi : "C'est une très bonne chose qu'elle [Christiane Taubira] ait exprimé les choses de cette façon. Cela signifie, si on en croit ce qu'elle a dit et c'est ainsi que je ressens aussi les choses, que le gouvernement n'a pas l'intention de bloquer à tout prix cette mesure". Problème : la ministre de la Justice ne s'est pas prononcée sur la PMA mais sur l’adoption hors mariage. "Le gouvernement ne bloquera pas les choses", a promis la veille la garde des Sceaux. "Christiane Taubira ne répondait pas à une question sur la PMA, mais sur de possibles modifications des conditions d'ouverture de l'adoption aux couples pacsés, concubins depuis deux ans, homos ou hétéros", a rectifié le porte-parole du ministère de la Justice, dénonçant un imbroglio, auprès du Figaro.

3Le voilà lancé dans un numéro d'équilibriste

Mercredi soir, François Hollande a tenté de clore le débat, en oubliant sa promesse de campagne mais en ne fermant pas la porte à un amendement PMA. "Le texte tel qu'il a été préparé, prévoit le mariage et l'adoption, il n'intègre pas la procréation médicalement assistée. Si le Parlement – et je crois qu'il y aura des propositions d'amendements – décide d'aller dans le sens de la procréation médicalement assistée, le Parlement est souverain", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. "Si j'avais été favorable [à cette mesure], je l'aurais intégrée dans le projet de loi", a-t-il ajouté.

Comment interpréter cette semi-reculade, semi-évolution ? Comme à son habitude, François Hollande cherche le consensus en prenant soin de ménager la chèvre et le chou. D'un côté, il envoie un message positif à la centaine de parlementaires qui souhaite voter l’amendement ouvrant la voie PMA pour les couples homos en leur laissant la main. De l'autre, il ne se mouille pas trop en ne prenant pas position et en s'en remettant au Parlement "souverain". De fait, les socialistes sont divisés sur la question. Impossible de dire à l'heure actuelle si l'amendement PMA rassemblera une majorité de députés pour être adopté. A titre personnel, le député socialiste Olivier Faure, proche de François Hollande, souhaite que les socialistes puissent "différer la question de la PMA" et la discuter dans le cadre d'une prochaine loi de bioéthique. C'est ce qu'il a expliqué mercredi soir à Reuters.

Résultat : le nouveau positionnement de l'exécutif reçoit un accueil mitigé. L'Inter-LGBT y voit par exemple une "avancée encourageante" par rapport à la position initiale du gouvernement. Au contraire, l'Association des familles homoparentales déplore un reniement de la part du chef de l'Etat. "L'ADFH demande au Président de la République d’appliquer ses engagements, ses promesses, ses dires, ses écrits et de soutenir l’amendement qui proposera l’ouverture de la PMA aux lesbiennes. C’est toute la crédibilité du personnage le plus haut de l’Etat qui est en jeu, pas uniquement sur ce sujet." Et, sans surprise, les opposants au mariage pour tous y voient une raison supplémentaire de se mobiliser contre le projet du gouvernement.