Le ras-le-bol des partisans de la loi sur le mariage : "On est comparés à des animaux !"

MEHDI FEDOUACH / AFP

Le jour de l'adoption en conseil des ministres du projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe, les associations LGBT et homoparentales ont voulu marquer le coup. Un rassemblement était organisé mercredi soir devant l'Assemblée nationale à Paris pour soutenir le gouvernement dans son projet mais "aussi pour but d'aider les parlementaires à aller plus loin pour l'égalité totale", a précisé Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT. Si les assos homoparentales saluent une "grande avancée en termes d'égalité" avec le texte du gouvernement, le compte n'y est pas. Elles souhaitent que la future loi intègre l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes, mais aussi les questions de filiation, l'accès à l'adoption hors mariage pour les couples de même sexe, le statut du beau-parent ou statut tiers (j'ai détaillé ces mesures dans ce post).

PATRICE PIERROT / CITIZENSIDE / AFP

Entre 1 500 et 2 000 personnes, selon les organisateurs du rassemblement, étaient réunies sous les slogans "Mariage pour toutes et tous : l'égalité des couples c'est maintenant",  "La République doit reconnaître toutes les familles" ou encore "La République doit protéger tous ses enfants". Des poussettes et des vêtements d'enfants sont noués pour faire une chaîne symbolisant les enfants des familles homoparentales en quête de sécurisation juridique. En guest star : Audrey Pulvar, qui distribue Les Inrocks (magazine qu'elle dirige) avec en une le "OUI !" au mariage, à l'adoption et à la procréation. Le rapporteur du projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe à l'Assemblée nationale, Erwann Binet, est là aussi. On voit aussi les députés socialistes Patrick Bloche, Bernard Roman ou Olivier Dussopt ainsi que les écologistes Noël Mamère, Sergio Coronado et Barbara Pompili.

"Chaque jour on creuse un peu plus"

Dans l'assistance, je sens un mélange d'enthousiasme et de colère. Les manifestants se réjouissent de la concrétisation de leurs revendications anciennes et espèrent que les parlementaires "iront plus loin que le gouvernement". En même temps, tous ont conscience que la bataille qui s'engage s'annonce longue et éprouvante. Le mot "colère" est dans toutes les bouches à propos du débat actuel dans les médias. Pour Anne, 42 ans, maman de deux petites filles de 7 et 9 ans et pacsée avec Marine, 36 ans, "le débat actuel ressemble à celui du Pacs". "Même si aujourd'hui, c'est moins frontal, plus subtil. L'église ne parle plus de la Bible mais d'anthropologie ou de psychologie... Un comble ! Mais le message reste le même, l'homophobie perdure", me confie Anne. Antony, 24 ans, jeune papa d'un bébé de 16 mois qu'il élève avec un couple des lesbiennes, est "effrayé" par les amalgames fait par les opposants au mariage des homos. "On entend parler de polygamie, d'inceste, de pédophilie... On est comparé à des animaux !".  Pour se "préserver", Antony a décidé de ne plus lire aucun journal, ni regarder d'infos à la télé depuis le début du débat.

Anne me raconte aussi qu'avec sa compagne elle a préparé ses filles au débat actuel : "On leur a dit qu'elles risquaient d'entendre des gens qui disent de grosses bêtises sur nous. L'essentiel, c'est de leur faire comprendre que ces gens se trompent."  La dernière saillie du sénateur UMP Serge Dassault ("On veut un pays d'homos ? Dans dix ans y'a plus personne, c'est stupide", "Regardez dans l'Histoire, la Grèce, c'est une des raisons de sa décadence") suscite l'indignation des manifestants. "On pense avoir toucher le fond, mais chaque jour on creuse un peu plus", réagit Alexandre, 27 ans, qui souhaite se marier avec son copain. Ce qui frappe Anne, c'est le "décalage énorme entre ce qui se dit en ce moment et notre quotidien". "Dans la vie de tous les jours, nous n'avons pas d'entraves, me dit-elle. Nos familles nous soutiennent, nous sommes bien intégrées. D'ailleurs, ma compagne (qui est la mère "sociale" et non biologique) est représentante des parents d'élèves dans l'école de nos filles. Cela ne pose aucun problème. Et quand on reçoit les copains et copines de nos filles à la maison, les parents sont toujours étonnés d'apprendre que nous n'avons pas les mêmes droits qu'eux".