PMA : pourquoi les socialistes disent tout et son contraire

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La procréation médicalement assistée (PMA) était sortie par la porte, elle revient par la fenêtre. Christiane Taubira, la ministre de la Justice, l'avait annoncé début septembre : la PMA ne figurera pas dans le projet de loi de loi ouvrant le droit au mariage aux homosexuels. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’était prononcé en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires.

Le 10 octobre, Jean-Marc Ayrault confirme la ligne de Christiane Taubira. Sur ce sujet, comme sur l'autorité parentale, l'adoption pour les couples non mariés ou encore le statut du tiers, le Premier ministre renvoie "à une loi complémentaire qui pourrait être une loi sur la famille". Rebondissement deux jours après. Bruno Le Roux, le chef des députés PS prend l'exact contre-pied de Jean-Marc Ayrault. Il promet un amendement du groupe socialiste ouvrant la voie à la PMA. "C'est une question dont on sait qu'elle sera sous-jacente pendant le débat sur le mariage. Autant la poser et pourquoi pas essayer de la résoudre au moment du débat sur le mariage pour tous". 

Et l'initiative du président des députés socialistes reçoit deux soutiens de poids au gouvernement. Pour la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, coresponsable du projet de loi avec Christiane Taubira : "Cette question (...) doit trouver une réponse". Même chose pour Marisol Touraine, ministre de la Santé, qui estime que "la famille n'est plus aussi simple qu'avant. Je suis personnellement favorable à ce que la PMA soit accessible à tous""Mais faut-il le faire d'emblée ? Donner le temps du débat peut permettre de réfléchir en terme d'éthique, de bioéthique", nuance toutefois la ministre de la Santé, interrogée à par Métro. L'amendement ouvrant la voie à la PMA est aussi soutenu par Harlem Désir, premier secrétaire par intérim du PS ou encore Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale.

Stratégie ou réel affrontement ?

Que peut-on déduire de ce désaccord ? Deux lignes s'affrontent au gouvernement. D'un côté, Christiane Taubira souhaite se limiter au mariage des couples de même sexe et à leur accès à l'adoption. En dissociant cette question de celle de la PMA, la garde des Sceaux ne prend pas de risque et s'assure d'un vote large au Parlement en faveur du texte. La PMA, sujet sensible car il touche à la bioéthique, pourrait en effet cristalliser l'opposition, notamment de la droite, des associations familiales et d'une partie des catholiques, comme l'explique Le Monde.fr. Et le Premier ministre se souvient de l'épisode du Pacs, en 1998 (il était alors patron des députés PS), quand les socialistes avaient dû voter une seconde fois le texte, faute de députés présents en nombre suffisant dans l'hémicycle. Il a donc tranché en faveur de la ministre de la Justice. De l'autre côté, la ministre déléguée à la Famille veut aller plus loin et faire adopter un seul texte, large, qui couvriraient les revendications des familles homoparentales (PMA, questions de filiation, etc.).

Autre hypothèse envisagée par Europe 1 : pas de couac au sujet de l'amemdement PMA de Bruno Le Roux,  mais une stratégie "politicienne" de la part de Jean-Marc Ayrault et du patron des députés PS. "En montant au front, Bruno Le Roux et ses troupes permettraient ainsi au gouvernement de prendre le pouls de l’opinion publique. Une sorte de ballon d’essai", indique la radio. Car, selon l'entourage du chef d'Etat cité par Europe 1, François Hollande "freine des deux pieds sur ce sujet". Pas de désaccord au sommet de l'Etat donc, d'autant que l'initiative vient du patron des députés PS, réputé fidèles de Hollande et Ayrault.

Cacophonie et fébrilité

Quelle que soit la stratégie réelle de l’exécutif, cet épisode donne une impression d'improvisation, de fébrilité et de cacophonie... Sur le fond, l'amendement ouvrant la PMA aux homosexuelles pose plusieurs questions. Aura-t-il le soutien du gouvernement ? Sera-t-il un point d'achoppement pour la majorité ? Enfin, quid de la constitutionnalité d'une telle disposition ? En effet, la PMA est un acte médical qui peut être pris en charge par la Sécurité sociale. Il y a un impact sur les finances publiques. Or, l'article 40 de la Constitution est très clair : "Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". L'amendement PMA pourrait donc être irrecevable, sauf si ce même amendement prévoit une compensation financière à la baisse de ressource publique.