Pourquoi les couples homos ne veulent pas se contenter de l'adoption

Les associations LGBT demandent l'accès à la procréation médicalement assistée. (MICHAEL HALL / GETTY)

Après les annonces de Christiane Taubira au début de la semaine, un point est acquis : les couples homosexuels pourront adopter des enfants.  Les associations de défense des droits des homos saluent cette "mesure symbolique qui fera évoluer les mentalités sur le long cours". Mais le problème, c'est justement qu'elle reste "symbolique". C'est pourquoi elles dénoncent une "absence de taille" dans le projet du gouvernement : l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). En clair, l’insémination artificielle et la fécondation in vitro, aujourd’hui réservées aux couples hétérosexuels qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Voici pourquoi.

Parce que l’adoption est déjà un parcours du combattant

Il y a actuellement 25 000 agréments pour adopter en France, obtenus par des couples ou des personnes célibataires désirant un enfant. C'est beaucoup par rapport au nombre d'enfants effectivement adoptés : environ 750 en France, et 2 000 à l'international. Ces derniers étaient 4 000 il y a dix ans, selon les chiffres de l’Agence française de l’adoption. Cette chute de l’adoption internationale s’explique par un contexte géopolitique difficile, comme la rébellion islamiste au Mali, les catastrophes naturelles à Haïti, ou encore l’épisode du passage chahuté de la flamme olympique à Paris qui, même ancien, a considérablement refroidi les relations franco-chinoises. Ajoutez à cela la longueur du processus d’adoption à l’international qui peut prendre jusqu'à 10 ans), sa complexité administrative, son coût... Et vous comprenez aisément le découragement de nombreux candidats à l'adoption, homosexuels ou pas.

Parce que c’est encore plus délicat pour les couples homos

Lorsque j’interroge les assos LGBT, la réponse est unanime : la loi ouvrant l’adoption aux couples de même sexe ne va (presque) rien changer au nombre d’adoptions. "Les dossiers des couples homos resteront tout en bas de la pile", m’explique Alexandre Urwicz, co-président de l’Association des familles homoparentales (ADFH). "Il y a déjà aujourd’hui une inégalité. La hiérarchie, c’est d’abord les couples hétéros, les célibataires femmes puis les célibataires hommes..."

Pour Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT, "le circuit de l’adoption est verrouillé par les catholiques". Autre problème : la réticence des pays d’origines des enfants à adopter. "Des pays comme le Brésil ou les pays d’Afrique vont rechigner à nous confier des enfants", regrette Alexandre Urwicz. "On pourrait même craindre qu’après la loi les pays d’origine des enfants favorisent l’adoption à destination des pays qui n’ont pas ouvert le mariage aux couples homosexuels". A titre d’exemple, la Belgique a ouvert le droit d’adopter aux couples homos en 2006. Mais pas un seul de ces couples n’a réussi depuis à adopter à l’international. L'ouverture de l'adoption aux couples homos ne changera vraiment la situation que pour une minorité d'enter eux:  les conjoints de ceux qui ont fait des procédures de PMA, qui seront ainsi reconnus officiellement comme le deuxième parent.

Parce que la PMA est déjà une réalité

La PMA est la solution choisie par une "large majorité des couples de femmes françaises aujourd’hui", affirme Nathalie Mestre, présidente de l’association Enfants d'Arc en Ciel qui regroupent des familles homoparentales. L’essentiel de ces PMA se font en Belgique et en Espagne. Pour les familles homoparentales, il s’agit donc de reconnaître une situation déjà existante et de protéger l’enfant, en reconnaissant ses parents. Si la PMA ne figure pas dans le texte voté prochainement, les "femmes vont continuer d’aller à l’étranger", m’explique Nathalie Mestre. Et elle pointe les conséquences de l’absence de cadre légal : "Le suivi médical à cheval sur deux pays est précaire, cela représente un coût financier, c’est épuisant moralement et psychologiquement et cela conduit parfois à des dérives dangereuses telles que les inséminations artisanales avec des donneurs de sperme trouvés n’importe où..."

Parce que c’est une promesse de François Hollande

Pendant la campagne présidentielle, le candidat socialiste s’est clairement prononcé en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. Le magazine Têtu lui avait demandé s’il était favorable à cette ouverture de la PMA dans son numéro d’avril 2012. Voici la réponse sans équivoque de François Hollande : "Oui, je l’ai dit. Aux conditions d’âge, bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental. Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes".
D’ailleurs, l’ADFH a adressé une lettre à François Hollande pour lui rappeler son engagement après les déclarations de Christiane Taubira :

Voici ce qu'on peut y lire :

Lors de votre intervention au journal télévisé de 20h sur TF1 le 9 septembre dernier, vous avez admis que si des dissonances pouvaient parfois exister au sein du gouvernement 'il faut les réduire, et pour les réduire c’est très simple, il faut se référer à mes propres engagements, ce que j’ai dit devant les Français, ce doit être la règle de l’action gouvernementale'. Durant la campagne électorale, vous avez plusieurs fois indiqué que vous étiez favorable à l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens, ou aux femmes célibataires.”