Les couches lavables : mythes et réalités

Marie-Pierre Trigla

Avant d’être propre (vers ses 2 ans et demi), un enfant aura utilisé près de 4000 couches et ainsi produit 800 kg de déchets. Nous sommes passés des langes lavables, aux couches jetables “pratiques et représentant un gain de temps incontestable” voire une “libération pour la femme”, pour assister aujourd’hui à un retour des couches lavables, présentées comme “plus écologiques”. Les couches lavables sont pourtant perçues comme peu pratiques et surtout rétrogrades. Entre mythe et réalité, nous allons tenter de faire la part des choses.

Lange, couche lavable et couche jetable : quelle est la différence ?

Les langes sont de simples carrés de tissu en laine ou cellulose, qui servaient autrefois de couches. Aujourd’hui, ils sont plus souvent utiliser pour protéger la table à langer, mais certains parents les adoptent pour pouvoir notamment choisir une matière la plus naturelle et douce possible et éviter les risques d’allergie.

Les couches lavables actuelles n’ont plus grand chose à voir avec les langes d’autrefois. Adieu les épingles à nourrice ! Elles sont aujourd’hui constituées d’un voile protecteur à base de pulpe de bois qui peut être jeté aux toilettes ou composté, d’une couche (souvent en coton ou chanvre) et d’une culotte imperméable. Il est aussi possible de trouver des modèles où la couche et la culotte ne font qu’une.

Les couches jetables, quant à elle sont composées d’un cœur absorbant en cellulose, de polyacrylate de sodium (matière super-absorbante mais qui ne doit en aucun cas être en contact de l’enfant) et surtout de plastiques (polypropylène pour le voile protecteur, film plastique imperméable pour l’enveloppe extérieure et les systèmes d’attaches en velcro). Une grande partie des couches jetables est issue de la pétrochimie, c’est-à-dire de dérivés de pétrole.

Des langes à la couche-culotte

Avant les années 1950, les femmes avaient pour habitude de langer les nourrissons. Mais, dès les années 1950, la couche jetable est inventée et connaît de multiples améliorations jusqu’en 1978, avec la commercialisation en France de la première couche-culotte Pampers.

Quelle aubaine ! Moins de travail pour les parents (et le plus souvent les mamans) qui doivent changer leur petit en moyenne 5 fois par jour pendant 2 ans et demi environ. D’autant plus qu’à la même époque, les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler à l’extérieur du foyer. La couche jetable apparaît donc, au même titre que de nombreux nouveaux produits électroménagers, comme un élément facilitant la double vie des femmes qui travaillent et élèvent les enfants.

C’est donc sur le registre des femmes actives que les marques de couches jetables se lancent dans les campagnes publicitaires en mettant en avant l’argument technologique des couches qui gardent les bébés « plus au sec que les autres couches ». Mais désormais, le sujet divise :

La couche est produite, portée quelques heures, jetée et mettra 500 ans à se décomposer ou bien finira en incinérateur où elle sera une source importante de polluants, dont les dioxines. Doit-on utiliser des ressources qui ont mis des millénaires à se constituer pour créer un produit à usage unique qui mettra des centaines d’années à disparaître ? Veut-on gérer l’hygiène de nos enfants à l’aide de matières majoritairement issues de la pétrochimie ?

Pour ou contre la couche lavable ?

Récemment, les discours écologistes, qui déplorent les méfaits des produits industriels (petits pots, lait en poudre, couches jetables entre autres) tant sur le plan de la santé que sur le plan environnemental, se heurtent à certains discours contradictoires. La principale critique réside dans l’affirmation que ces biens de consommation, en allégeant le temps de travail domestique ont pu alléger l’emploi du temps des femmes. Les refuser reviendrait donc à accepter ce qu’elles considère comme un “retour en arrière”, qui rajouterait aux femmes des tâches qu’elle n’avait plus à effectuer.

Pourtant, malgré la diminution de 30 minutes en moyenne du temps de travail domestique dans les foyers “conventionnels” depuis 25 ans, sa répartition entre homme et femme n’a pas changé. Ainsi, les biens et produits permettant de raccourcir la durée des tâches n’ont finalement pas « libéré  la femme » mais simplement donné l’illusion de l’égalité en lui permettant de concilier « plus facilement » vie de famille et emploi.

Gain d’argent

Un enfant utilise des couches pendant les 2,5 premières années de sa vie en moyenne, avant de devenir propre. Durant cette période, il consommera entre 4500 et 5000 couches représentant un coût global allant de 750 à 2000 euros. L’utilisation des couches lavable coûte moitié moins cher. L’Ademe estime qu’une trentaine de couches sont nécessaires entre la naissance et la propreté. L’utilisation de couches lavables revient donc à une dépense comprise entre 490 et 740 euros. Ces coûts peuvent d’ailleurs être diminués si l’on acquiert les couches d’occasion ou si on les réutilise pour les enfants qui suivront.

Gain de temps

La gestion des couches lavables au quotidien demande une plus grande organisation et des lavages plus fréquent. Mais, la tache ménagère des lessives est déjà intégrée dans l’emploi du temps des foyers. Il suffit donc d’ajouter quelques couches à la machine hebdomadaire. Sans compter le fait que les couches lavables s’achètent une seule fois, il n’est pas utile d’aller compléter le stock à chaque fois que vous allez faire les courses.

Il existe également des systèmes de location de couches ainsi que des services de lavage, qui engendrent certes un coût supplémentaire mais qu’il faut mettre en relation avec les économies réalisées par rapport aux couches jetables et aux bénéfices environnementaux qui en découlent.

Gain écologique

Pour assurer les bénéfices environnementaux des couches lavables, quelques points de vigilance sont à respecter. Privilégiez un achat d’occasion, local et groupé et préférez les cotons biologiques qui permettent de réduire l’impact environnemental lors de la production. À l’usage, optez pour un lavage à 40 ou 60° maximum avec une lessive respectueuse de l’environnement et un séchage à l’air libre. Enfin, optimisez la durée de vie des couches, utilisez-les pour un second enfant ou pensez à les revendre.

Et si vous passiez aux couches lavables ? Si malgré tout, vous avez peur de franchir le cap, il est possible de tester les couches lavables via un système de location ou de trouver la couches adéquats grâce à des lots spécialement conçus pour tester les différents produits. Alors, lancez-vous !

Auteur : Maëlle Cappello - Zero Waste France

Références

Albouy Valérie, Djider Zohor, Mainguené Alice, « Regards sur la parité ; vue d’ensemble », édition 2012, Insee

Ricroch Layla, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les hommes se réduit », Regards sur la parité Edition  2012, Insee

Insee Premiere, Couple, famille, parentalité travail des femmes, Mars 2011

Perret Jean-Baptiste, « L'approche française du genre en publicité . Bilan critique et pistes de renouvellement», Réseaux 4/2003 (no 120) , p. 147-173

“L’engagement écologique au quotidien a-t-il un genre ? » Michèle Lalanne et Nathalie Lapeyre Recherches féministes, vol. 22, n° 1, 2009, p. 47-68

« Les couches lavables : état des lieux, enjeux et pistes pour agir », FNE, dossier de presse, 12 mai 2011

Impacts environnementaux des couches pour bébé, Fiches techniques de l’ADEME, Juin 2012

Badinter Elisabeth, «La Reine-mère », Les temps modernes 2008/1 (n°647-648, p.156-161)

http://www.slate.fr/life/84735/les-couches

http://www.lesechos.fr/07/08/2009/lesechos.fr/300368274_la-couche-jetable--une-liberation-pour-les-bebes----et-les-mamans.htm

http://www.ina.fr/recherche/search?search=couches