Ces voix israéliennes qui dénoncent la guerre, l'occupation et la colonisation

Manifestation pour la paix à Tel Aviv, le 26 juillet 2014, (AFP PHOTO / THOMAS COEX)

Centenaire de l'assassinat du pacifiste Jean Jaurès et guerre à Gaza : double occasion de rappeler que des voix israéliennes réclament toujours une coexistence pacifique avec les Palestiniens.

Mais le contexte est de plus en plus hostile et l'extrême-droite, selon Mediapart, se déchaîne en toute impunité. Dans un article traduit sur Slate, l'ancienne responsable du bureau du Washington Post à Jérusalem, Janine Zacharia, souligne qu'ils ne sont plus qu'une "poignée [d'Israéliens] à s’élever" contre l'offensive, "aussi inconsidérée soit-elle aux yeux du reste du monde. Les rares qui s’y emploient sont critiqués avec véhémence." 

«Vous êtes un traître!", a-t-on hurlé à Gideon Levy, un éditorialiste du [journal] Haaretz, alors qu’il était interviewé dans la rue au sujet d’une tribune où il mettait en cause les pilotes israéliens bombardant Gaza."

 "Le camp de la paix s'est effondré en Israël il y a dix ans"

En substance : la voix de l'armée écrase tout. Contre ce "black-out médiatique", quelques écrivains et journalistes israéliens tentent de faire valoir un autre point de vue. Parmi ceux qui ont été traduits, citons :

♦ Gidéon Lévy dont les articles sur la guerre de Gaza de 2009 (qui avait fait 1300 morts palestiniens selon MSF) ont été publiés en français. Le journaliste y rend compte de la violence de la guerre. Et explique comment "le camp de la paix s'est effondré en Israël il y a dix ans déjà [au début des années 2000] après la deuxième Intifada et la proclamation (...) par l’ancien premier ministre israélien Ehoud Barak qu’il n’existait aucun partenaire palestinien pour la paix".  Un basculement de l'opinion qu'il évoque dans une interview à L'Humanité ce 30 juillet.

♦ Autre figure emblématique d'Haaretz, la journaliste Amira Hass, lauréate en 2003 du prix mondial de la liberté de la presse décerné par l'Unesco. Correspondante du journal dans les territoires occupés, elle "chronique depuis vingt ans l'occupation israélienne au quotidien".

"Je continue d'espérer qu'en apportant de l'information je permets à certaines personnes en Israël de comprendre à quel point la situation est dangereuse", confiait-elle à Courrier International en octobre 2013. Car l'obsession de toutes ces plumes minoritaires est la même : Israël, estiment-ils, court au désastre avec sa politique belliciste.


Amira Hass : “Il y a de nombreux moyens de s... by courrierinternational

Avant de s'installer à Ramallah en Cisjordanie, Amira Hass avait vécu trois ans dans la bande de Gaza, au début des années 1990. Un séjour qu'elle raconte avec émotion dans Boire la mer à Gaza (livre réédité dans sa version anglaise, Drinking the sea at Gaza, en décembre 2014. Extraits consultables sur Amazon). L'idée de départ ? "La volonté de voir Gaza par les yeux de son peuple, plutôt que par le pare-brise d'une jeep de l'armée".

 "La déshumanisation systématique du colonisé entraîne inévitablement la déshumanisation du colon et de sa société"

♦ Figure de la gauche radicale israélienne et co-fondateur du Centre d’Information Alternatif (AIC) à Jérusalem,  Michel Warschawski n'a cessé de dénoncer la colonisation et l'occupation des territoires palestiniens.

Dans A tombeau ouvert, La crise de la société israélienne (2003), l'écrivain décrit une société gangrenée par le messianisme, le militarisme, et l'avancée de la colonisation. "La déshumanisation systématique du colonisé, écrit-il, entraîne inévitablement la déshumanisation du colon et de sa société".

Et d'ajouter : "Au cours de la dernière décennie, le colon est devenu un surhomme qui n'a à tenir compte d'aucune loi, d'aucune institution. Il vole les terres de ses voisins arabes, récolte leurs olives, perce des chemins et en ferme d'autres, interdit l'accès des paysans arabes à leur terres et, quand il est en colère, organise des raids punitifs".

Comme Gidéon Lévy, il regrette (dans Au pied du mur, 2011) qu'un des "éléments les plus marquants de l'agression contre Gaza en décembre 2008" ait été "l'absence d'une opposition significative en Israël même, et ce alors que le monde entier, y compris des amis indéfectibles de l'Etat hébreu, exprimait sa consternation face à la brutalité des forces armées israéliennes". 

♦ Toute la presse a évoqué ces déserteurs ou objecteurs de conscience qui refusent de combattre dans les territoires palestiniens. Leurs propos font écho aux témoignages de soldats israéliens sur les brutalités de l'occupation. Recueillis par l'association Breaking the silence, ces récits ont été publiés en France en 2013 par les éditions Autrement. Rue 89 livre quatre d'entre eux, d'où ressortent les humiliations subies par les Palestiniens. Et le sentiment de honte de ces ex-militaires, quand ils se souviennent de leurs actes en zone occupée.

 Livres cités

Gaza, Articles pour Haaretz 2006-2009, de Gidéon Lévy (La fabrique, 2009)
Boire la mer à Gaza, d'Amira Hass (La fabrique, 2001)
A tombeau ouvert, la crise de la société israélienne de  Michel Warschawski  (La fabrique, 2003)
Au pied du mur, de Michel Warschawski (Syllepse, 2011)
Le livre noir de l'occupation israélienne : Les soldats racontent, de l'association Breaking The Silence, avec une préface de Zeev Sternhell (Autrement, 2013)

A lire aussi

♦ Sur la frontière, de Michel Warschawski (Pluriel, Hachette Littérature, 2004). La journaliste du Monde Diplomatique Mona Chollet rend compte du livre dans un article intitulé La boussole dans la tempête. L'ouvrage est une réflexion sur le trajet personnel de l'auteur (fils du grand rabbin de Strasbourg,  Michel Warschawski est parti à seize ans à Jérusalem suivre des études talmudiques) et sur les frontières mouvantes et non définies d'Israël et de ses voisins.