Paul Aussaresses a-t-il laissé des papiers sur l'affaire Audin ?

Michèle Audin, photo Catherine HELIE / Gallimard

La mort de l'ancien tortionnaire Paul Aussaresses permettra-t-elle de lever certains secrets  de la guerre d'Algérie ? La fille de Maurice Audin, ce militant communiste "disparu" pendant la bataille d'Alger en 1957, espère que les papiers du général seront confiés aux archives nationales.

Dans Je n'ai pas tout dit (éditions du Rocher, 2008), l'ex-responsable des services de renseignements à Alger laissait entendre, selon Le Monde, qu'il connaissait "la vérité sur le sort de Maurice Audin, ce jeune mathématicien 'disparu' (...) après avoir été arrêté par les parachutistes français". Paul Aussaresses "révèle au passage, ajoutait le quotidien, qu'il a demandé au général Massu  de le délivrer du pacte de silence qu'ils ont conclu, cinquante ans plus tôt, sur l'affaire Audin. Mais Massu a refusé. Paul Aussaresses, à regret, s'est incliné. Il est parti dans la tombe en gardant ce secret".

La fille de Maurice Audin, Michèle Audin, que nous avons jointe, a ainsi réagi à l'annonce du décès de Paul Aussaresses : " C'est par vous que j'apprends sa mort. Ma première réaction serait de dire "pourquoi parler de ce personnage" ? C’était un tortionnaire. On n'a rien fait pour l'empêcher de se vanter d'avoir torturé comme il l'a fait. Et il est mort dans son lit." 

Et d'ajouter :" Mais sur le sujet précis de la mort de mon père, il savait ce qui s’est passé. A-t-il gardé des papiers ? Ce serait intéressant de le savoir. Peut-être qu’il a gardé des traces. Ce serait bien que la famille donne ses papiers aux archives nationales, pour que les historiens y aient accès."

Sur Maurice Audin, ce père brillant et trop tôt disparu - il avait à peine vingt-cinq ans, cette mathématicienne a publié cette année Une vie brève (Gallimard), un livre émouvant où elle reconstitue le parcours de ce "garçon ordinaire, d'origine modeste", devenu enseignant en mathématiques à l'université d'Alger.

"Il boit son café sans sucre, relate Le Monde. Il aime les mathématiques, a lu des livres sur Gandhi. Il va au cinéma avec sa femme et fume des Camélia Sport. Rien d'exceptionnel ? Rien. Il milite au Parti communiste algérien (PCA) et signe, en 1953, une pétition en faveur des époux Rosenberg".

Il lui reste quatre ans à vivre. Plus de cinquante ans plus tard, sa famille se bat encore pour connaître les circonstances exactes de sa mort. Personne ne reverra jamais ce militant communiste père de trois enfants après son arrestation par les parachutistes du général Massu. On sait qu'il a été torturé. Version officielle des autorités françaises à l'époque : une évasion.

 Michèle Audin rappelle que son père n'a été qu'un disparu parmi d'autres de la bataille d'Alger. "Les autres étaient des militants du FLN, des Arabes, des Algériens qui n’ont pas eu les moyens de se faire entendre. Trois mille disparitions, c'est un chiffre qui a été contesté par les militaires français, mais il y en a eu énormément des gens qui ont été torturés, jetés à la mer. C'est qu’on a appelé "les crevettes de Bigeard". Ensuite, conclut-elle, "les tortionnaires" comme Paul Aussaresses " qui avaient fait leurs classes en Algérie sont allés donner des cours de torture en Argentine ou ailleurs".

-> Une vie brève, Michèle Audin (Gallimard, 17,90 euros)