Etes-vous (vraiment) assez intelligent pour travailler chez Google ?

Floraison d'ouvrages en ce début janvier autour de l'emploi. Lattès publie Etes-vous assez intelligent pour travailler chez Google ? traduit de l'anglais et signé du journaliste William Poundstone (collaborateur du New York Times).

Trois cent cinquante pages pour expliquer la méthode - très réfléchie - de recrutement dans une des entreprises les plus convoitées par les brillants esprits de la planète. Une firme aux avantages sociaux qui font rêver aux Etats-Unis - appât supplémentaire pour attirer les meilleurs - et réclame non seulement des esprits vifs, mais créatifs.

Le livre plaira moins par sa capacité à tuyauter l'aspirant à un emploi dans la Silicon Valley (déjà ultra-renseigné, gageons-le) que par sa série de problèmes, casse-tête et autres énigmes qui valent jeu de société. Retenons-en néanmoins que :

Les entretiens ne servent à rien...

Paru également ce mois-ci, DRH : le livre noir signé Jean-François Amadieu pointait déjà le poids des préjugés et l'impact trop important de la première impression dans les entretiens de recrutement.

William Poundstone enfonce le clou : "le mystérieux secret bien caché des ressources humaines est que les entretiens de recrutement ne servent à rien". A rien ? Tout au plus, selon le fondateur de BitTorrent Bram Cohen, "à poser quelques questions techniques pour éliminer les gens vraiment inaptes, mais au-delà, autant jouer la chose aux dés".

"Les preuves de l'utilité des entretiens de recrutement sont comparables aux preuves de l'existence de la perception extrasensorielle ou des enlèvements commis par des extra-terrestres ... Dans la pratique, ces entretiens semblent être peu efficaces voire totalement inefficaces pour prédire une réussite dans le poste convoité".

Un questionnaire, voire une seule -bonne- question suffit parfois

Si les entretiens ne servent à rien, à quelle méthode se fier ? Tests et questionnaires furent très tôt privilégiés par un employeur pour lequel l'enjeu du recrutement était vital : l'armée américaine.

Pendant la seconde guerre mondiale, il lui fallait ainsi former "onze cents cadets (pilotes de guerre) par mois, soit dix fois le chiffre du temps de paix". Vu le prix de l'entraînement et sa difficulté (les pilotes pouvaient en tomber malades), les psychologues militaires (non ce n'est pas un oxymore) élaborèrent un "questionnaire dernier cri". Et l'un d'eux découvrit qu'une "question précise de la liste prédisait la réussite du pilote mieux que le questionnaire tout entier". Celle-ci : "Avez-vous déjà construit un modèle réduit d'avion qui volait ?"

"Les recrues qui avaient répondu par l'affirmative avaient plus de chances de réussir comme pilotes". Pourquoi ? Parce que "cette passion pour les avions, chez des gens qui n'avaient pas cessé de s'y adonner, a fini par prédire la suite. Ils s'y accrochaient quand bien même ils auraient vomi dans la carlingue un jour ou deux", synthétise un recruteur de Google, Todd Carlisle, cité dans l'ouvrage. La méthode a essaimé : il y a quelques années, un grand cabinet d'audit demandait ainsi à ses candidats : "Aimez-vous l'argent ?" Un oui franc et enthousiaste garantissait une bonne intégration  (paraît-il).

 Big Recruteur is watching you

Les DRH scrutent de très près les réseaux sociaux. Vos habitudes, vos turpitudes, votre humour douteux, votre orthographe défaillante, tout y passe, même s'il leur manque encore l'outil idéal et fiable synthétisant vos blagues sur Twitter, vos vengeances discutables sur Facebook et votre CV embelli sur Linkedin. Dans un sondage réalisé en 2009 et mentionné dans l'ouvrage, 35% des recruteurs ont admis avoir éliminé un candidat au vu de ses propos/photos/vidéos sur les réseaux sociaux.

Sachant que vos traces sur le Net seront épiées et que vous aurez à affronter une série de tests infernaux, toujours partant pour briguer un poste chez Google (ou autre entreprise créative et performante)?  En guise d'entraînement, voici trois problèmes soumis à leurs futurs employés par la firme de Mountain View (* réponse en bas d'article) :

1Le mixeur

"Vous rapetissez jusqu"à la taille d'une pièce de 5 cents et êtes projeté dans un mixeur. les lames entrent en action dans 60 secondes. Que faites-vous pour en sortir ?"

2Le pays où tous les parents veulent un garçon

"Imaginez un pays où tous les parents veulent avoir un garçon. Chaque famille continue d'avoir des enfants jusqu'à ce qu'elle ait un garçon; ensuite, elle s'arrête. Quelle est la proportion de garçons et de filles dans ce pays ?"

3Eau ou sirop dans votre piscine?

"Nage-t-on plus vite dans l'eau ou le sirop ?"

Réponses :

1) Il faut sauter hors du mixeur comme une puce, parce que (est-il affirmé dans l'ouvrage..) "tout   ce qui saute saute à peu près à la même hauteur", environ 75 centimètres, qu'il s'agisse d'"un cheval, un lapin, une grenouille, une sauterelle ou une puce". 

2) Il y aurait à peu près parité garçons-filles (équation complète dans le livre)

3) Ca se vaut, mais Isaac Newton, qui s'était posé la question il y a trois cents ans, s'était trompé : "il croyait que la viscosité du sirop ralentirait les nageurs". Déduisons-en qu'il aurait échoué chez Google.

 Etes-vous assez intelligent pour travailler chez Google ? de William Poundstone (JC Lattès, 20 euros)

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu / Étiquettes : emploi, Google