Que lirez-vous en (ce début) 2013 ?

Que lirez-vous en cette rentrée hivernale 2013 ? Si le cru romanesque semble excellent, les essais ont le moral en berne. Normal, philosophe le magazine Livres Hebdo (qui en a décompté 251) : "l'an dernier à la même période, il n'y en avait que pour la présidentielle".

Post-élection suprême, la politique est triste, la crise persiste et la Chine inquiète (comme disaient déjà les duchesses de Marcel Proust ). Rapide recension de quelques ouvrages d'actualité :

Politique : en attendant 2017 ?

Mais où est passée la belle flambée d'essais politiques d'il y a un an ? Douze mois plus tard, François Hollande a remplacé Nicolas Sarkozy à l'Elysée, le chômage croît toujours et les journalistes politiques cèdent volontiers la place à leurs confrères économiques.

Que reste-t-il dans ce désert ? Patrick Rambaud, qui produit son sixième - et ultime - opus satirique sur le quinquennat Sarkozy, Tombeau de Nicolas Ier, Avènement de François IV. Hélas, en cinq ans, la plume de l'ancien journaliste d'Actuel s'est usée et l'académicien Goncourt peine à renouer avec cette verve qui enchanta naguère : que nous importent désormais les turpitudes de l'ancien président de la République ?

Quoi d'autre à se mettre sous la dent ? Quelques livres sur la rivalité Copé-Fillon qui a culminé cet automne avec l'élection à la présidence de l'UMP. Annoncés pour la mi-janvier: La guerre des deux droites (Hubert Huertas, éditions de l'Archipel) et pour la fin du mois Bal tragique à l'UMP (Flammarion), des journalistes Neila Latrous et Jean-Baptiste Marteau, déjà auteurs d'UMP, un univers impitoyable.

Côté UMP toujours, Bruno Le Maire profite du vide pour reprendre sa plume de normalien et publier fin janvier Jours de Pouvoir (Gallimard), livre très attendu sur ses années-ministre (2009-2012) sous la présidence Sarkozy. Retrouvera-t-il le brio qui lui avait valu le prix Edgar Faure en 2008 pour Des hommes d'Etat ?

L'ouvrage dépeignait le trio Sarkozy-Chirac-Villepin (dont Le Maire était alors chef de cabinet, à Matignon)  avec la tension dramatique nécessaire, assez d'habileté pour ne se brouiller avec personne et l'exacte dose d'intimité (l'évocation de son fils asthmatique) propre à émouvoir le lecteur. Le député de l'Eure reprendra-t-il la recette ? Ou préfèrera-t-il, 2017 en ligne de mire, la langue de bois dont il avait usé dans Sans mémoire, le présent se vide, réflexion un brin pesante sur l'amitié franco-allemande ?

Bruno Le Maire en 2011, alors ministre de l'Agriculture (AFP/LIONEL BONAVENTURE)

A gauche, la polytechnicienne et ministrable députée PS Karine Berger co-signe avec Valérie Rabault un plaidoyer Pour une France plus compétitive (Odile Jacob) tandis que l'économiste Bertrand Rothé déplore que le parti socialiste ait "tourné le dos à la classe ouvrière" (De l'abandon au mépris", Seuil).

Travail : en attendant la porte ?

Feux d'artifice éteints et bouteilles de champagne vidées, la (dure) réalité s'impose : retour au travail. Un peu de lecture pour se saper définitivement le moral ? Le Seuil publie deux essais qui s'attaquent à l'art moderne du management.

Le sociologue Jean-François Amadieu l'affirme : "les salaires dépendent moins de la performance que des réseaux sociaux ou du physique des salariés" ."Le recrutement, ajoute-t-il, est parfaitement  irrationnel et discriminatoire", avec "tri impitoyable des CV en fonction de la photo, de l'adresse et du nom".   Dossier complet en librairie le 10 janvier (DRH, le livre noir) , tandis qu'une autre prof de fac, Bénédicte Vidaillet, s'interroge sur l'"évalution : les ressorts d'une fascination" (Evaluez-moi !).

Les esprits légers pourront préférer l'excellent Potentiel du sinistre, roman signé Thomas Coppey (en février chez Actes Sud).  Cadre à "haut potentiel",  le héros se fait broyer par une firme qui abuse de l'"éthique" et d'un  jargon anglo-saxon cachant mal sa philosophie fondamentale : pas de place au doute, premier pas vers la rébellion.

Mondialisation : en attendant la Chine ?

Un double spectre hante l'Europe : son déclin ...et la puissance chinoise. Ah la Chine !  Que de livres on commet en son nom ! Les journalistes Heriberto Araùjo et Juan Cardenal font du XXIe siècle Le siècle de la Chine (Flammarion).

Pitch : "de dictature perfide (sic), la Chine est devenue la planche de salut mondiale". Les deux reporters ont donc "décidé de faire le tour des pratiques économiques, géostratégiques et sociales" de cette "Chine conquérante", notamment dans les pays en développement.

Preuve de l'excellence du filon, le journaliste Eric Laurent, qui s'y connaît en best-sellers , se fend d'un roman sur le même thème : La Conspiration Wao Yen. Début de l'intrigue : "Février 2013 : L'objectif des dirigeants chinois : provoquer l'effondrement économique et financier des Etats-Unis et, par voie de conséquence de l'Europe, pour instaurer la suprématie planétaire de Pékin ..." Vous tremblez ? Bon signe.

Bijouterie de luxe à Pékin (AFP)

 

Reste ce que vous lirez vraiment : Lattès parie ainsi sur  l'autobiographie de l'attaquant du PSG, traduite du suédois ("Moi, Zlatan Ibrahimovic", écrite avec l'aide du journaliste David Lagerkrantz, février). Palme, enfin, du meilleur titre au même éditeur pour un ouvrage signé du journaliste américain William Poundstone sur cette question qui nous travaille tous : Etes-vous assez intelligent pour travailler chez Google ?

 

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu