Fallait-il publier les Carnets secrets de Jean-Luc Delarue ?

Les Carnets secrets de Jean-Luc Delarue sont sortis à 60 000 exemplaires mercredi aux éditions de l'Archipel, malgré le désaccord de son ancienne compagne, Elisabeth Bost.

Trois mois après la mort du présentateur, décédé le 23 août dernier à 48 ans, la controverse autour du livre oppose deux camps. Pour simplifier : d'un côté sa veuve, Anissa, de l'autre la mère de son fils Jean, Elisabeth Bost, qui se disputent son héritage moral et surtout financier.

Fallait-il publier cette autobiographie au parcours mouvementé ? Récapitulatif.

Non, parce que "le droit moral a été bafoué"...

Comme le rapporte L'Obs, Elisabeth Bost avait mis en demeure les éditions de l'Archipel, le 21 novembre, de "stopper sans délai la publication de l'ouvrage". Elle contestait leur "droit moral de divulgation des œuvres" de Jean-Luc Delarue et s'était dit prête à "engager en référé une action de justice".

Menaces sans suite ? Pour l'instant, l'éditeur, Jean-Daniel Belfond, a déclaré au Figaro "n'avoir reçu aucun pli d'huissier, ni aucune convocation devant la justice".

A la lecture (rapide) du livre, on comprend néanmoins que la jeune femme ne soit guère ravie de cette publication. A leur histoire d'amour, Jean-Luc Delarue consacre deux pages blessantes et lapidaires: "Un mois après [la rencontre], elle s'installait rue Bonaparte, trois mois après elle était enceinte, deux ans plus tard, je la quittais."

Mais elle n'est pas plus mal lotie que les parents de Jean-Luc Delarue. Mère jugée "perfide", père "habile à inféoder son entourage"... :  autant de qualificatifs acerbes, mais qui ne disqualifient pas forcément l'ouvrage en justice.

Non, parce que la fin aurait été écrite sous influence...

Plus intéressant est l'étrange chemin de ce projet autobiographique entamé, suspendu, repris, puis enfin publié.

"A l'été 2010, la rédaction de cette autobiographie l'a plongé au fond du trou. Il a eu peur de mourir. Il a commencé à consommer de façon extrême de la cocaïne, jusqu'à 4 grammes dans la soirée", nous a raconté la journaliste Marie Bernard, qui avait rencontré pendant trois heures l'animateur, le 21 mars 2011 (entretien dont elle a tiré un livre, Dernières confessions, publié aux éditions du Moment).

Quelques mois après son interpellation pour trafic de stupéfiants le 14 septembre 2011, l'animateur confirme le caractère anxiogène de son projet autobiographique : "Il y a dix-huit mois, je me suis lancé dans l'écriture d'un livre qui retraçait ma vie. Certains traumatismes d'enfance ont ressurgi et j'ai commencé à cautériser avec de l'alcool. Et puis on m'a proposé de la cocaïne." 

Après son arrestation "salutaire", il entame un sevrage. Sevrage de drogue, et d'écriture. Selon Marie Bernard, Jean-Luc Delarue "avait arrêté d'écrire en août 2010, parce que ça lui faisait trop de mal. Il a décidé de reprendre pendant sa maladie [son cancer], peu avant sa mort" Et de s'interroger : "Est-ce qu'il l'a fait sous pression ? Je ne sais pas."

L'interrogation vise la veuve, Anissa. Autant les Carnets secrets s'en prennent durement aux parents ou à Elisabeth Bost, autant ils chantent les louanges de l'épouse : "Ma femme déplacerait des montagnes pour moi. Je la remercie souvent, elle se fâche et me répond : - Pourquoi me remercies-tu ? Je suis ta femme et tu es mon mari."  Conclusion majuscule du livre, quelques lignes plus loin : "JE SUIS HEUREUX..."

Oui, "parce qu'il répond à une attente de millions de Français"

Sur cet aspect controversé, le patron des éditions de l'Archipel, Jean-Daniel Belfond, reconnaît qu'il ne peut pas "donner l'état d'esprit de Delarue pendant des années". "Mais, affirme-t-il, l'animateur a manifesté auprès de ses proches son désir que le livre paraisse, beaucoup d'éléments l'attestent. Il en a lu des passages et des photos le montrent en train d'écrire, à l'hôpital. Le livre paraît, fidèle et conforme à la volonté de Jean-Luc Delarue."

lI avoue toutefois que "la première partie est bien construite" tandis que "la deuxième partie est plus hachée".

Sans dévoiler ses secrets d'éditeur, il insiste sur le miracle de la réapparition de ce "livre honnête, dur, et même un peu violent qu'on croyait perdu". En août dernier, l'éditeur Léo Scheer, qui voulait le publier, se demandait où était passé le manuscrit. Les éditions de l'Archipel l'ont apparemment retrouvé. "Il est publié et répond à l'attente de millions de Français qui suivaient ses émissions", conclut Jean-Daniel Belfond.

Oui, parce que c'est "la parole de Delarue"

Sur RTL, la journaliste Isabelle Morini-Bosc défend elle aussi ce "livre qui va faire couler beaucoup d'encre" et regrette "qu'au nom de la polémique post-mortem, on ne voie pas ces pages magnifiques sur ces grands-parents qu'il adorait".

Elle clôture ainsi le débat : "Si on est parfois gêné de pénétrer au cœur d'un malaise familial, on ne voit pas pourquoi sa parole [celle de Jean-Luc Delarue] aurait moins de poids que les autres qui ont préventivement tout mis sur la place publique." Espérons juste qu'il ne s'agisse que de sa parole.

Carnets secrets de Jean-Luc Delarue, l'Archipel (17,95 euros).

 

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu / Étiquettes : Delarue