Le conseil anti-crise de Paul Krugman: l'emploi avant les déficits !

Au 20 heures de TF1 dimanche 9 septembre, François Hollande s'est donné "deux ans pour mettre en oeuvre une politique pour l'emploi, pour la compétitivité et le redressement des comptes publics".

Mais le chef de l'Etat français peut-il vraiment se permettre d'attendre deux ans et de jouer "l'agenda 2014", pour reprendre l'expression du Monde ?

Dans son dernier livre paru chez Flammarion, Sortez-nous de cette crise ...maintenant !,  Paul Krugman reproche à Barack Obama de n'avoir pas fait  de l'emploi, inquiétude majeure des citoyens américains, la priorité immédiate et constante de son mandat. Un avertissement qui vaut aussi pour le chef de l'Etat français ?

1. Le chômage, un fléau à court et long terme

S'appuyant sur les chiffres du Bureau américain des statistiques de l'emploi, l'essayiste parle d' "une société prise à la gorge par le chômage de masse".  "Le nombre d'Américains sans emploi atteint vingt-quatre millions - à peu près 15% de la population active - "soit en gros le double du chiffre d'avant la crise". 

En France, où l'emploi était la préoccupation numéro un dans les sondages pendant la campagne présidentielle,  la barre des trois millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité a été franchie en août et la hausse devrait se poursuivre.

Pareil taux de chômage nuit à la capacité productive d'un pays, affirme Paul Krugman "Si les personnes restées longtemps sans travail en viennent à être perçues comme inemployables, on se trouve face à une réduction à long terme de la main d'oeuvre efficace de l'économie et par conséquent de sa capacité productive."

2. L'emploi, principale préoccupation des électeurs  

Qu'est-ce qui compte le plus pour le peuple souverain ? Pour le professeur de Princeton,  les déficits des comptes publics tourmentent surtout Wall Street et "les éditorialistes du Washington Post". 

"L'électeur réel s'inquiète avant tout de son emploi, de ses enfants et de sa vie en général. Ce qu'il remarque et qui emporte son suffrage, c'est si l'économie se porte mieux ou moins bien"
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La preuve ?  "Les analyses statistiques nous disent que le taux de croissance des trois trimestres qui précèdent les élections est de loin le premier facteur déterminant du scrutin."

Une façon de plaider, contre l'austérité, pour la relance et l'investissement public -quitte à laisser filer les comptes et à rembourser la dette, plus tard, par la croissance et une inflation autour de 4%.

A l'appui de ses propos, ce keynesianiste convaincu cite plusieurs fois l'étude du FMI (Fonds monétaire international), où certains chercheurs "ont identifié 173 épisode d'austérité budgétaire dans des pays développés entre 1978 et 2009. Ils ont constaté que les politiques d'austérité sont suivies de contraction économique et d'augmentation du chômage."

3. L'emploi, urgence de tout un mandat

Enfin, Paul Krugman déplore que les plans de relance aient été maintes fois revu à la baisse pendant les quatre ans de mandat de Barack Obama. Craignant constamment d'être attaqué par la droite républicaine sur l'utilisation des fonds publics, le président des Etats-Unis est resté trop timoré, donc insuffisamment efficace.

"Le président cédant à son tour à l'obsession du déficit et aux appels à l'austérité, écrit Paul Krugman, le discours national tout entier s'est détourné de la création d'emplois. En attendant l'économie est restée faible - et le public n'avait aucune raison de ne pas en vouloir au président, puisqu'il n'a jamais pris de position ferme le distinguant nettement de l'opposition."

Même s'il accentue son avance dans les sondages, Barack Obama sait que sa réélection se jouera sur la question de l'emploi. Et si le taux de chômage a reculé à 8,1% de la population active, contre 8,3% en juillet, , note Le Point., cette diminution est à mettre sur le nombre croissant d'Américains qui renoncent à retrouver un emploi.