Le jihad, un booster d'identité

Quel est le point commun entre un carrossier intégré (Merah), une jeune ado paumée (Assia), et un soldat de l'Etat Islamique ? Ils sont "jihadistes". Le terme existe depuis longtemps, il est dans le Coran, mais que signifie-t-il dans nos usages ?

Inscription manuscrite du mot Djihad

Dans nos médias, c'est acté. Le jihad désigne une guerre sainte. Une guerre de religion contre les Occidentaux décadents, les musulmans hérétiques, et tous les mécréants. Une croisade menée par des extrémistes entre la Syrie, l'Irak où ils font régner la terreur au nom de l'Islam. Une cause menaçante qui rallie des jihadistes parmi nos citoyens.

Mais, à l'origine "jihad" ne désigne pas une guerre sainte au sens où l'entendent les médias. En arabe, "jihad" signifie "effort tendu vers un but déterminé". Dans l'Islam, c'est une lutte mentale destinée à tenir bon, à ne pas se laisser dériver dans sa pratique. Même si sa conception a varié dans l'histoire, c'est un devoir collectif spirituel qui s'adresse à l'ensemble de la communauté musulmane. Certes, il existe un jihad par l'épée, dit mineur, qui désigne une guerre contre les infidèles, mais la dimension spirituelle est dite majeure.

Aujourd'hui, cette origine est plus que malmenée, elle est détournée. Les jihadistes emprunte au registre guerrier. Ils citent les passages violents du Coran, en les isolant du contexte. Ils n'écoutent pas les représentants officiels de l'Islam, mais citent quelques oulémas dissidents. Ils ne respectent pas l'interdiction de mutiler ou brûler les corps, de piller, ou de s'en prendre aux femmes ou aux enfants. Au contraire, la terreur et la violence sont leurs armes principales.. Vous l'avez compris, le jihad est une guerre ; les jihadistes de l'Etat Islamique ne cherchent pas des apôtres, mais des combattants. Ils trouvent leur recrues en dehors des mosquées et les emmènent dans des camps d'entrainement et des zones de combat. Le jihad n'est plus une quête spirituelle. Le trait commun entre Assia, Merah et les soldats du califat, c'est le combat.

Mais, c'est plus qu'un combat. Le jihad est vécue par ses recrues comme une idéologie, un absolu doctrinaire. Que ça nous révulse, c'est ainsi. Le jihad offre un sens clé en main. Les messages passent sur les réseaux sociaux et non par les mosquées. C'est une doctrine absolue qui fait table rase de tout. Même de l'humain. Un mouvement qui suscite l'effroi, et cet effroi attire. L'horreur suprême mise en scène a l'attrait morbide du snuff movie. En y participant, on incarne l'interdit. Assia sera la star subversive du lycée. Merah a pu donner un sens radical à sa vie. Si on ne prend pas en compte cette dimension identitaire, on ne comprend pas le mot jihadiste.

Le terme s'est diffusé avec sa "cause". Depuis la création d'un Etat Islamique, le nombre d'occurrences des termes "jihad" et "jihadistes a explosé. Les frontières de ce Etat sont floues, non reconnues, la durée de vie du mouvement indéterminée, mais l'Etat est là. Ce n'est pas une Terre promise, mais un territoire administré. Avec une formation à la clé. Ca joue dans les imaginaires. Avant l'EI, les groupuscules jihadistes occupaient les zones franches, les no man's land. Ils s'entrainaient au Darfour, au Sahara occidental, ou à la frontière Pakistan-Afghanistan. Aujourd'hui, pour la première fois, ils ont un territoire, des ressources, et une armée en plein cœur du Moyen Orient. Ils gagnent du terrain, remportent des victoires. Et l'on n'a jamais autant parlé de guerre de civilisation.