Un vent de révolte souffle (à nouveau) dans le Languedoc

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A cause d'une couverture médiatique prenante liée à l'élection présidentielle, certains événements passent un peu au second plan comme les faits qui se déroulent actuellement dans le vignoble Languedocien.

En effet, dans la nuit du vendredi 24 mars dernier les locaux d'un courtier en vins ont été incendiés à Béziers. Il s'agit de la société Vergnes et Passerieux, la plus grosse entreprise de courtage en vins du Languedoc, implantée à Béziers depuis plus de 30 ans, dont les transactions portent sur plus de 1,5 millions d'hectolitres de vin par an y compris 120.000 hectolitres en provenance d'Espagne. Rappelons qu'un courtier en vin est un intermédiaire qui met en relation un vendeur, généralement un producteur qui vend son vin en vrac, et un négociant acheteur de vin en vrac.

La destruction des locaux a été revendiquée par le CRAV (Comité Régional d'Action Viticole). Le lendemain, samedi 25 mars a été organisée une manifestation à Narbonne par le syndicat des vignerons de l'Aude à l'initiative de son président, Monsieur Rouanet. Elle a rassemblé 4 à 5.000 personnes dans le calme. Il faut dire que la municipalité, dans le cadre de l'état d'urgence lié aux risques terroristes, avait mis en place tous les éléments pour sécuriser la manifestation. Mais en marge de celle-ci, le CRAV s'en est pris aux grandes surfaces en incendiant des caddies et en renversant des vins à l'intérieur des magasins pour dénoncer la vente de vins étrangers en France alors que les stocks sont importants dans la région. Il proteste également contre la concurrence déloyale des vins espagnols dont les prix sont très bas et qui ne subissent pas les mêmes contrôles de normes qu'en France.

Monsieur Rouanet voulait profiter de la campagne électorale pour manifester afin de sensibiliser les candidats à l'élection présidentielle aux problèmes qui touchent la viticulture régionale. Il souligne le fait que chez nos voisins il n'y a pas les mêmes règles sociales, pas les mêmes règles sur l'utilisation des produits phytosanitaires. Il dénonce également la politique d'achat de la grande distribution et le manque de clarté dans l'étiquetage des bouteilles. Par ailleurs, la sécheresse de l'été dernier a joué sur la récolte aboutissant à la baisse des prix d'achat du vin. Dans ses revendications le syndicat réclame une modification de la loi Evin pour distinguer les vins des autres boissons alcoolisées et une baisse des charges d'exploitation pour une meilleure compétitivité.

Cette nouvelle vague de manifestations qui n'est peut-être pas terminée est un peu récurrente depuis un peu plus d'un siècle dans la région, les mêmes causes entraînant les mêmes effets. La dernière grande manifestation remonte au 5 juin 2008 où 7.000 manifestants s'étaient rassemblés dans les rues de Carcassonne. On se souvient également dans les années 70 et 80 où les viticulteurs arrêtaient les camions citernes transportant du vin provenant d'Espagne ou d'Italie et les vidaient sur la chaussée.

On est tout de même loin de la grande crise de 1907 qui fera peut-être l'objet d'un de mes prochains textes. Il faut dire que dans les années 80 la viticulture du Languedoc-Roussillon a enfin changé de politique en matière de production en adaptant des cépages nobles à leur terroir d'exception. D'ailleurs c'est ainsi que le label «Vin de Pays » leur a été attribué, ce dernier étant aujourd'hui transformé en IGP (Indication Géographique Protégée). De même apparurent les AOC Faugères et Saint-Chinian, suivies de Minervois, Corbières et Coteaux du Languedoc.