Les femmes en viticulture

Madame Maria Lichtlé

Le mercredi 8 mars était la Journée Internationale de lutte pour les Droits des femmes. Ce fut l'occasion pour le domaine départemental de Pierrevives à Montpellier de donner des conférences sur le rôle joué par les femmes dans l'histoire et le développement de la viticulture dans l'Hérault et en France. Les archives révèlent qu'au 19ème siècle, après la crise du phylloxéra, le vignoble s'est fortement développé dans l'Hérault. Toutes les tâches saisonnières, de la taille aux vendanges, exigeaient une main d’œuvre importante et les femmes ont joué un rôle important.

Elles ont toujours été présentes mais très discrètes de la fin du 19ème siècle au milieu du 20ème, comme le montre une étude réalisée par Jean-Louis Escudier, historien, chargé de recherche au CNRS, qui a écrit un livre « Les femmes et la vigne. Une histoire économique et sociale de 1850 à 2010 ». Le statut de la femme « vigneronne » dans toute cette période est difficile à déterminer car il existe très peu d'écrits sur ce sujet dans les archives. Était-elle salariée, demi-salariée ou pas du tout ? Il est difficile de le déterminer.

Le rôle d'une femme en particulier : Madame Maria Lichtlé

Je peux expliquer le rôle d'une femme dans une exploitation viticole entre 1944 et 1970 et en même temps je voudrais lui rendre hommage, il s'agit de ma mère.

Il faut pour cela que je situe d'abord le contexte particulier de l'Alsace à cette époque puisque ma famille est alsacienne depuis au moins la fin du 16ème siècle. Après l'armistice de 1918, l'Alsace, allemande depuis 1871, est redevenue française. Il faudra plus de 20 ans pour que la viticulture alsacienne se transforme et abandonne les pratiques précédemment instituées par les allemands. Les revenus de la vigne étaient alors très faibles et mon père, après les décès de sa mère de maladie (il avait 18 ans) a du arrêter ses études et son père l'a fait embaucher aux mines de Potasse d'Alsace pour apporter un complément de revenu à la famille.

Une fois marié et ayant repris l'exploitation avec ma mère il a gardé son emploi aux mines car le fait d'y travailler dans le système des 3 fois 8 cela lui laissait une demi-journée pour s'occuper des travaux de la vigne et des champs. Mais tous ces travaux il ne pouvait pas les assumer à lui tout seul et c'est donc ma mère qui y contribuait avec lui pour une bonne partie. Il réalisait les tâches les plus dures physiquement comme la taille de la vigne, les labours qui se faisaient avec le cheval, les traitements, etc. Ma mère liait après la taille, ramassait en fagots les sarments coupés, s'occupait du rognage, piochait après les labours, etc. Aux vendanges c'est elle qui allait dans les vignes et dirigeait l'équipe des vendangeurs, mon père restait à la maison et s'occupait du pressoir.

Elle s'occupait également de la vente du vin sur place en recevant le samedi et parfois le dimanche à la cave les gens qui s'arrêtaient pour en acheter.

Tout ce travail s'est toujours effectué dans l'ombre, elle n'avait pas de statut et n'était pas salariée. Je peux en témoigner puisque je l'ai observé mais je suppose que cette situation devait être semblable dans les autres régions à la même période.

Évolution actuelle

La situation a beaucoup changé, aujourd'hui les femmes en viticulture ne sont plus tout à fait des anonymes, les femmes chefs d'exploitation et premières coexploitantes représentent de nos jours 27% en France.

La passion du vin chez les femmes vient souvent d'un héritage familial. Le nombre de filles qui reprennent l'exploitation viticole des parents est de plus en plus grand au point que ces viticultrices se sont réunies en association dans différentes régions comme :

« Femmes et Vins de Bourgogne » en Bourgogne.

« Étoiles en Beaujolais » dans le Beaujolais.

« Femmes Vignes Rhône » en vallée du Rhône.

« Les Éléonore de Provence » en Provence.

« Vini Filles » dans le Languedoc.

« Les Aliénor du Vin de Bordeaux » dans le Bordelais.

« Les Fa'Bulleuses » en Champagne.

« Les diVINes » en Alsace.

Dans les syndicats viticoles il n'y a pas que des hommes, comme c'était longtemps le cas, il y a également des femmes viticultrices de nos jours. En 2009 c'est une viticultrice qui a été élue Grand Maître de la Confrérie Saint-Étienne en Alsace, c'est une première. Depuis plusieurs années, à Chiroubles dans le Beaujolais, au sein de la confrérie « Les Damoiselles de Chiroubles », il n'y a que des viticultrices.

Dans les études d’œnologie il y avait autrefois très peu d'étudiantes. Dans ma promotion, en 1968, sur une vingtaine d'étudiants il n'y avait que deux filles qui toutes les deux envisageaient de travailler dans un laboratoire. Nous constatons aujourd'hui, dans l'Union des Œnologues de France, que les filles représentent 50% des étudiants.

Pour rappel, je vous invite à consulter également un de mes précédents textes : « Et si Bacchus était une femme ? ».