Le Vin et l'Eau

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Du 18 au 21 mai s'est tenu à Amboise le 56ème congrès national de l'U.OE.F. (Union des œnologues de France). Ce congrès a été organisé par la région Val de Loire, une des sept régions qui constituent l'U.OE.F.

Chaque année, la région organisatrice du congrès choisit un thème. Cette année le thème choisi a été le « Vin et l'Eau ».

Il semble paradoxal que les œnologues s'intéressent à l'eau, pourtant le vin et l'eau forment un couple fusionnel.

L'une des premières histoires entre l'eau et le vin remonte à Jésus Christ qui transforma l'eau en vin lors des noces de Cana.

L'actuel président national de l'U.OE.F., Cyril Payon, dans l'éditorial du congrès, explique que « depuis toujours l'eau et la religion tiennent une place importante dans le monde de la viticulture car elles ont été des moteurs de l'expansion du vin à travers le monde ». Il explique de même que « l'eau est le moteur de notre métier parce qu’une vigne en bonne santé c'est une vigne qui dispose d'eau et parce que l'eau est un élément majeur dans l'élaboration du vin, elle représente 80% de sa composition ».

La vigne et l'eau

Vitis Vinifera, cette liane mère de nos cépages de qualité, a été domestiqué il y a 7000 ans alors qu'elle prospérait à l'état sauvage dans les montagnes du Caucase en Géorgie sans irrigation, les pluies d'automne et d'hiver suffisaient à recharger en eau les sols où elle va puiser le nécessaire.

Les meilleurs vins sont obtenus dans des sols les mieux drainés, ainsi les racines qui descendent en profondeur ne sont jamais noyées et ne souffrent pas non plus du manque d'eau.

A cause de ce besoin d'eau au cours du cycle végétatif, le régime hydrique de la vigne est un facteur de la qualité du raisin et du vin. Il influence la taille des baies, la quantité de sucre et les potentiels phénoliques et aromatiques.

Mais le réchauffement climatique fait que les situations de contrainte hydrique forte sont de plus en plus fréquentes. La réponse aujourd'hui est l’irrigation, mais elle ne peut être la seule car la ressource en eau devient rare dans certaines régions comme en Californie. D'autres solutions peuvent se trouver dans la modification des pratiques viticoles comme le travail du sol, ou dans l'adaptation du matériel végétal (cépages et portes-greffe).

Le mélange eau et vin

Tout le monde connaît le dicton « mettre de l'eau dans son vin », il est associé à la sagesse retrouvée. Vieille pratique des nations civilisées de la Méditerranée (grecs, romains, etc.....) qui s'oppose à l'habitude barbare de boire le vin pur et de rechercher l'ivresse rapide (gaulois, germains, slaves, etc....). Il faut dire que les vins antiques se buvaient difficilement purs car rendus lourds par les additifs de conservation.

Mêler de l'eau à son vin est resté habituel jusqu'à la fin du 19ème siècle chez beaucoup d'Européens, en particulier pour les repas quotidiens. Louis XIV ou Napoléon ajoutaient de l'eau et de la glace à leur vin rouge de Bourgogne renommé (Vosne Romanée ou Chambertin). Le premier vin qui a été consommé pur en Europe est le champagne effervescent en Angleterre à la fin du 17ème siècle et en France au début du 18ème siècle. Petit à petit l'habitude se prend de boire purs les grands vins rouges ou blancs. Les seuls à perpétuer les traditions antiques sont les prêtres catholiques qui mêlent un peu d'eau au vin dans le calice lors de la célébration eucharistique symbolisant le sang et l'eau sortis du flanc du Christ lorsqu'un soldat l'a percé de sa lance pour vérifier sa mort.

J'ai gardé en mémoire l'anecdote que m'a racontée le régisseur, dans les années 80, du château Margaux. Il a servi un jour le vin lors d'un repas officiel à Bordeaux en l'honneur et en présence du général de Gaulle. Il a vu ce dernier verser de l'eau dans son verre d'un premier grand cru classé d'un vieux millésime.

L'eau est également utilisée frauduleusement par certains négociants ou producteurs pour « mouiller » le vin afin d'augmenter le volume.

L'eau dans l'exploitation vinicole

Il faut également beaucoup d'eau pour assurer l'hygiène. 70 à 80% de l'eau utilisée l'est dans les différentes phases de nettoyage des sols, des équipements, des cuves, des tuyaux, des filtres, des bouteilles, etc..... On utilise généralement un litre d'eau pour un litre de vin produit. L'eau utilisée doit bien entendu être potable. Dans ce domaine le problème du changement climatique réapparaît car il est à l'origine, comme nous l'avons déjà vu, de la raréfaction de la ressource en eau. Il faut donc arriver à préserver et à conserver cette dernière. Par ailleurs l'activité de vinification provoque des rejets d'effluents pollués pour lesquels il faut définir un système d'épuration adapté aux besoins de la cave et au milieu récepteur (le sol, l'air et le milieu aquatique).

Des mesures pour réaliser des économies d'eau commencent à se mettre en place, comme des pré-nettoyages à sec et des nettoyages sous haute pression, comme évacuer le vin des tuyaux à l'aide d'une balle, etc. La réutilisation des eaux usées est également à l'étude, elles peuvent être utilisées pour le nettoyage des sols ou l'extérieur des machines et pour l'irrigation dans les régions où le déficit hydrique se fait sentir, des expérimentations dans ce sens sont d'ailleurs menées par l'INRA.

Ainsi l'eau, à cause de sa rareté à venir, aura de plus en plus d'importance dans le domaine de la vigne et du vin. Les pouvoirs publics, par le biais des agences de l'eau, financent, en totalité ou en partie, les actions d'économie d'eau, de dépollution et de recyclage.