Vignobles Européens (suite) : la Hongrie !

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Après la Moldavie et le Portugal, décrits dans le texte précédent, il y a un autre pays européen dont le vignoble mérite d'être présenté, je veux parler de la Hongrie.

L'existence de la vigne en Hongrie date de l'époque romaine. Comme le Porto au Portugal, la Hongrie produit un vin mythique, le Tokay ou Tokaji. Les 7.000 hectares du vignoble de Tokay sont situés au nord-est du pays sur les coteaux volcaniques du mont Tokaj et près de la ville du même nom. Le Tokay est un vin liquoreux de réputation mondiale. Aux 16ème et 17ème siècles il faisait partie des meilleurs vins au monde et était servi sur toutes les tables royales et impériales. Louis XIV le désignera comme le « roi des vins et le vin des rois ». Il est issu principalement du cépage Furmint complété par le cépage Harslevelu.

Comment est-il élaboré ?

Cette élaboration a été mise au point en 1630 et est encore appliquée aujourd'hui. L'exposition, le climat et les cours d'eau de la région favorisent le développement de la pourriture noble sur les raisins. Ces raisins botrytisés, appelés « azsu », sont vendangés à part, mis dans des récipients en hauteur pour récupérer par gravité le jus qui va s'écouler. Celui-ci, très sucré, est appelé « eszencia », véritable nectar qui mettra plusieurs années à fermenter pour ne produire que 3 à 4 % d'alcool tellement il est concentré en sucre. Les raisins sont ensuite foulés et rajoutés dans du moût ou du vin sec. La quantité de raisins botrytisés rajoutés va déterminer le taux de sucre et la structure aromatique du Tokay. L'unité de mesure de ces raisins rajoutés est une petite hotte appelée « puttonyos ». Le nombre de puttonyos est de 3, 4, 5 ou 6 selon les cuvées et les millésimes et ce nombre figure sur l'étiquette de la bouteille.

La deuxième guerre mondiale et l'occupation soviétique qui a suivi ont fait oublier un peu ce vignoble. Depuis 1990, grâce à quelques investisseurs étrangers, sa notoriété est revenue à son niveau mérité. On peut citer, parmi les meilleurs domaines, celui de Disnökö acheté par le groupe AXA en 1992 et celui d'Oremus, sans doute le meilleur, acquis par le célèbre groupe espagnol Vega Sicilia.

Que dire des autres vignobles ?

Dans la période récente, pendant les 40 ans d'occupation soviétique (1949 à 1989), les vignes ont été nationalisées et développées dans la plaine. La politique viticole privilégiera le rendement (150 hectolitres/hectare) avec une production de vins de table dont la totalité sera destinée au marché russe.

A partir de 1990, les vignobles vont être à nouveau privatisés. Contrairement à la Moldavie, le gouvernement Hongrois va proposer des aides à l'acquisition des vignes, à l'arrachage des cépages productifs et la replantation de nouveaux cépages comme Chardonnay, Sauvignon et Riesling en blanc et Cabernet franc, Cabernet-Sauvignon, Merlot et Pinot Noir en rouge. Ces aides vont également permettre aux nouveaux propriétaires de s'équiper en matériel moderne de stockage, de vinification et d'élevage des vins.

Avec 150.000 hectares de vignes la Hongrie est aujourd'hui au 11ème rang mondial. 70 % de la production viennent des caves particulières. Le vignoble est divisé en 5 grandes zones de production regroupant 22 régions.

Parmi ces zones il y a :

  • Eger : ville située entre Budapest et le vignoble de Tokay. Eger produit des vins rouges à la « bourguignonne » (terroirs à Pinot Noir) mais est surtout connu, depuis plusieurs siècles, pour son vin dénommé « sang de taureau ». A l'époque de l'invasion turque, les locaux, pour s'encourager, buvaient du vin rouge avant d'affronter l'envahisseur et le vin rougissait leur moustache. Les turcs voyant cela pensaient qu'ils buvaient du sang de bœuf avant la bataille.
  • Neszmély : région située au nord près de la frontière avec la Slovaquie : la région produit d'excellents vins blancs.
  • Le lac Balaton : tout autour de ce lac situé près de la frontière autrichienne, sur les coteaux, s'est développé un vignoble produisant 70 % de vins blancs d'une qualité exceptionnelle.
  • Villany : sur les coteaux du mont Villany, au sud de la Hongrie, le vignoble produit des vins à la « bordelaise » avec une forte implantation des cépages Cabernet (franc et Sauvignon) et Merlot. Les vins, souvent élevés en fûts de chêne, offrent une très belle structure.

Anecdote personnelle…

J'ai eu la chance, il y a une quinzaine d'années, de faire deux séjours, à un mois d'intervalle, en Hongrie. J'ai été accueilli par une personne dont je ne me souviens que du prénom, Andras, vice-président de l'Académie des vins de Hongrie et professeur en sommellerie à l'Université de Budapest. Connu dans le milieu viticole de tout le pays il m'a fait visiter plusieurs domaines qui m'ont marqué par le niveau de qualité de leurs vins. J'ai souvenir d'un domaine dans la région de Tokay géré par Monsieur Szepsy qui nous a fait déguster un vin blanc sec issu de 100 % de Furmint et élevé en barriques de chêne. Ce vin avait une structure, un équilibre, une richesse aromatique et une longueur en bouche qui n'avaient rien à envier à nos grands crus Bourguignons. Un autre souvenir qui me reste c'est la visite et dégustation chez Monsieur Attila Gere, viticulteur dans le vignoble de Villany. Ses vins rouges d'assemblage Cabernets et Merlot, étaient exceptionnels.

Ce sont deux exemples parmi de nombreux autres tout aussi remarquables.

Pour revenir à Tokay, il faut savoir que la Hongrie, en 1993, a demandé à l'Union Européenne de faire interdire l'utilisation de la dénomination « Tokay » par les vignobles d'autres pays. Cette interdiction a pris effet en 2006 et a concerné le vignoble alsacien en France qui produisait le « Tokay d'Alsace » et le vignoble italien du Frioul avec son « Tocari Friulano ».

Pour ceux qui ont l'occasion de se rendre à Budapest, je leur conseille vivement d'aller à la Maison des vins Hongrois qui présente et fait déguster des vins issus des vignobles de tout le pays (près de 750 références).