Le Beaujolais Nouveau arrive !

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C'est devenu une tradition bien ancrée dans les esprits, le mois de novembre est le mois du Beaujolais Nouveau avec son slogan bien connu de tous : « Le Beaujolais Nouveau est arrivé ».

À ce propos, comment est-ce arrivé ?

Pour répondre à cette question, il faut remonter dans le temps et se référer un peu à l'histoire. Déjà la consommation de vins nouveaux est une coutume très ancienne. En effet, dans l'Antiquité la « serva potio » ou « boisson des esclaves » était proposée aux vendangeurs dès le raisin pressé. De même au Moyen Age le vin était mis sur le marché environ 15 jours après la fin des vendanges. Au 19ème siècle les Lyonnais vont être les premiers consommateurs de beaujolais nouveau. Il n'était pas rare que les fermentations se finissaient en cours de livraison des vins, livraison qui se faisait en tonneaux chargés soit sur des voitures à cheval, soit sur des barges descendant la Saône. Cette pratique continuera au 20ème siècle jusque dans les années 30.

Pourquoi le beaujolais a-t-il toujours été apprécié si tôt après la récolte ?

Il est issu d'un seul cépage, le Gamay noir à jus blanc. Banni de sa Bourgogne natale par Philippe le Hardi il a trouvé sa terre de prédilection en Beaujolais où, associé à un terroir qui lui convient à merveille, il donne des vins peu tanniques et très fruités lorsqu'ils sont jeunes, des vins très plaisants et gouleyants. Ce sont ces caractéristiques qui seront à la base du succès auprès des consommateurs et non pas une technique marketing. La preuve, le vignoble bordelais a mis sur le marché un bordeaux nouveau dans les années 80, tentative arrêtée au bout de quelques années car le caractère tannique de ses cépages (surtout le cabernet-sauvignon) confère aux vins jeunes trop d'astringence pour être agréables à boire.

Comment a débuté cette aventure ?

En 1937 le Beaujolais accède à l'AOC (Appellation d'Origine Contrôlée), aujourd'hui AOP (Appellation d'Origine Protégée). Ceci ne va rien modifier à la tradition de commercialisation des vins du Beaujolais très tôt après la récolte. Ce qui va tout changer c'est un arrêté du 8 septembre 1951 qui va interdire, en France, la vente des vins d'AOC avant le 15 décembre de l'année de sa récolte. La profession de la région a aussitôt vivement réagi considérant que cette disposition allait faire fortement chuter les ventes. Leur revendication est entendue, à tel point qu'une note des Contributions Indirectes, datée du 13 novembre 1951, va autoriser certaines AOC à commercialiser leurs vins avant la date de déblocage général du 15 décembre mais à condition de rajouter une mention sur l'étiquette. C'est ainsi que sont adoptés les termes de « primeur » et « nouveau ». À ce propos, certaines personnes croient encore, à tort, qu'il existe une différence entre un beaujolais primeur et un beaujolais nouveau. Le choix de l'un ou de l'autre de ces termes n'est lié qu'à un souci d'efficacité commerciale. Différents sondages ont révélé qu'en France, par exemple, c'est « beaujolais nouveau » qui est plus vendeur alors que dans certains autres pays c'est « beaujolais primeur ».

C'est ainsi que le beaujolais nouveau va faire ses premiers pas et les volumes, peu importants pendant plusieurs années, vont être consommés principalement dans les établissements lyonnais. Un décret du 15 novembre 1967 va compléter la réglementation en fixant la date de déblocage des vins nouveaux ou primeurs au 15 novembre de l'année de récolte.

Le phénomène est lancé.

Le succès grandissant sur la place de Lyon, les négociants du Beaujolais vont porter leur effort commercial sur Paris. L'engouement des consommateurs parisiens est immédiat et la production de beaujolais nouveau grimpe pour atteindre 100.000 hectolitres en 1970. Le phénomène devient national et la sortie du beaujolais nouveau devient partout prétexte à fête. Les bistrots parisiens vont participer, chaque année, à la « coupe du meilleur pot » (de beaujolais nouveau) qui sera organisée dès le début.

La progression ne s'arrêtera pas là, les marchés à l'export se profilent. Dans un premier temps les vins vont se vendre en Europe et l'Allemagne deviendra le premier client européen. Après la conquête de l'Europe, vient celle de l'Amérique du Nord, puis l'Australie en 1982, le Japon et les pays du sud-est de l'Asie dans les années 90. Le Japon est d'ailleurs aujourd'hui le premier client étranger. Dernier grand pays à s'ouvrir au beaujolais nouveau c'est la Chine en 2005. Dans ces pays, comme en France , l'événement est festif, la ville de New-York organise la coupe du meilleur pot comme à Paris, un grand hôtel de Toronto organise chaque année à minuit la vente aux enchères du premier verre de beaujolais nouveau.

Comment va être gérée cette évolution ?

Une telle ampleur, le beaujolais nouveau est aujourd'hui vendu dans plus de 160 pays, finit par poser des problèmes de logistique et de production. C'est ainsi qu'en 1985 la date de déblocage sera fixée au troisième jeudi de novembre à la place du 15 novembre. Chaque pays, à juste titre, se doit d'être livré au moins pour la veille du déblocage, or le 15 novembre tombant parfois un samedi ou un dimanche cela a fini par rendre difficile les expéditions. Par ailleurs le volume de production va être limité à 450.000 hectolitres. De plus chaque producteur de beaujolais nouveau (soit en AOC Beaujolais, soit en AOC Beaujolais Villages) doit soumettre un échantillon à l'analyse et à une commission de dégustation pour agrément.

Vous l'aurez compris, le beaujolais nouveau est un immense succès, il est de loin leader des vins primeurs et sa notoriété est devenue planétaire. Il est le vin de la fête, tout le monde en parle mais pas toujours en bien car on l'aime ou on le déteste. Cette réussite est surtout due, je le répète, à la magie d'un cépage, le gamay noir à jus blanc. Comme toute médaille, celle-ci a son revers. En effet, un grand nombre de consommateurs pensent que le vignoble ne produit que du beaujolais nouveau, ce qui est une erreur car il ne représente que le tiers de la production totale, les deux autres tiers étant consacrés aux AOC Beaujolais et Beaujolais Villages non vinifiés en primeur, ainsi qu'aux dix crus, tous en AOC, qui sont : Brouilly, Côte de Brouilly, Chiroubles, Chenas, Fleurie, Julienas, Morgon, Moulin à Vent, Régnié et Saint-Amour.

Aux amateurs de Beaujolais je recommande tout particulièrement un groupement, appelé Terroirs Originels, qui réunit des viticulteurs passionnés qui ont accepté de fédérer la partie vente et distribution pour pouvoir se consacrer totalement à leur métier de vigneron. J'ai eu l'occasion, ces jours-ci, de déguster trois échantillons de 2014, un de Beaujolais Nouveau et deux de Beaujolais Villages Nouveau. Ils proviennent des domaines Emmanuel Fellot à Rivolet (69), Jean-Michel Dupré aux Ardillats (69) et Lucien Lardy au Vivier (69), tous trois adhérents au groupement. Leurs vins sont comme je les aime, bien typés « primeurs ».

Vous en trouverez le descriptif sur leur site : www.terroirs-originels.com