Quels verres pour quels vins ?

Valentine Svensson

Depuis que le vin existe, il existe différents contenants pour le stocker, le conserver et le boire.

Si on se réfère à l'histoire, le premier objet pour boire fut sans doute une tasse creuse de poterie en forme de coupe ou coupelle. On en a trouvé en terre cuite, en céramique, en bois et en métal. Les romains utilisaient des gobelets en plomb, argent ou poterie. Au début de l'ère chrétienne, pour la communion, le vin était offert dans des cruches en corne, puis, plus tard, dans des calices en bois, en argent ou en or.

À la fin du premier millénaire, on trouvera des chopes en bois dans les maisons et les tavernes.

Au 14ème siècle apparurent les premiers verres à vin avec un pied. Venise devient le centre de l'univers du verre grâce au savoir-faire rapporté du Proche-Orient. La technique vénitienne va s'étendre à toute l'Europe, jusqu'en Bohème.

Au 17ème siècle, l'Angleterre invente le cristal en ajoutant de l'oxyde de plomb au verre, ce qui le rend plus solide et permet de mieux le travailler.

Au 18ème siècle, à la demande de Louis XV, la France crée ses propres cristalleries à Baccarat et Saint-Louis alors que jusque là les riches buvaient dans des verres de cristallin de Bohème ou de Venise.

Au 19ème siècle, grâce à la mécanisation et l'automatisation, le verre à vin va se démocratiser. Au milieu du siècle apparaissent les verres « ballon », ancêtres des verres à dégustation. Par ailleurs, les régions viticoles vont développer leurs propres verres à vin.

Le verre est l'outil qui sert à mettre en présence le vin et nos organes sensoriels (œil, nez, bouche). Nos sens doivent pouvoir s'exercer dans les meilleurs conditions. Avant la transparence du verre, on n'imagine pas que l'on ait pu déguster le vin. D'ailleurs le grand vin n'est peut-être né à la fin du 17ème siècle, début du 18ème, qu'à la suite de la fabrication de verres convenant mieux à la dégustation.

On peut distinguer le verre à déguster dont se servent les goûteurs de métier et le verre à boire qui se trouve sur nos tables.

Le verre à déguster :

  • le taste-vin, notamment aux 19ème et début du 20ème siècles. C'est une coupelle en métal, souvent en argent massif et qui a donné son nom à la confrérie vinique de Bourgogne appelée « Chevaliers du Taste-vin ». Son grand inconvénient c'est qu'il n'était adapté qu'à l'appréciation de la limpidité et de la couleur du vin grâce aux creux et bosses au fond de la coupelle qui multiplient les reflets de la lumière ambiante. Il faut dire que les dégustations, à l'époque, se faisaient souvent dans les caves peu éclairées.

Taste-vin :

commons.wikimedia

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  • le verre INAO ( Institut National des Appellations d'Origine), au début des années 70, va remplacer le taste-vin. C'est un verre qui résulte des études et expérimentations de l'Institut qui ont abouti à la découverte de la forme la plus adaptée au développement des arômes et à leur évaluation. C'est un verre à pied de cristallin. La longueur de son pied permet de tenir le verre sans cacher à la vue le vin qui se trouve dans le calice (contenant qui retient le vin). Celui-ci est en verre transparent, non coloré, pour une bonne appréciation de la teinte du vin et d'une hauteur suffisante pour pouvoir remuer le vin sans en renverser. Le but de cette agitation est de faire se dégager les arômes qui sont volatiles. Le haut du calice est rétréci pour former la cheminée, ce qui permet la concentration des arômes.

Verre INAO :

abclocation

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Le verre à boire :

Le verre à boire, à table, doit présenter des caractéristiques semblables. Il doit bien présenter le vin, flatter sa couleur et son brillant. Le contenant doit s'effacer devant le contenu. Le vin de classe, pour s'exprimer, a besoin d'un verre à pied de cristal mince, transparent, à paroi lisse, sans fioritures ni gravure. Le buvant (bord du verre en contact avec les lèvres) doit être mince car l'impression d'épaisseur influe sur ce qu'on boit : si on fait goûter un même vin dans deux verres, dont l'un est fin et léger, l'autre épais et lourd, dans la majorité des cas le goûteur trouve meilleur celui du premier verre.

On dit qu'à chaque vin son type de verre. Je pense qu'on peut se satisfaire, d'un verre à Bourgogne et d'un verre à Bordeaux, puis d'un verre à vin blanc et enfin d'une flûte à Champagne.

  • Le verre à vin rouge doit avoir un calice large (plus large pour Bourgogne que Bordeaux car les arômes du vin de Bourgogne, plus délicats, ont besoin d'une surface à l'air plus importante pour s'exprimer) à contenance suffisante (25 à 27 cls) pour ne pas avoir à le remplir à plus de la moitié. Ainsi la surface du vin au contact avec l'air est au maximum et cela permet de le remuer sans en renverser, le but étant de l'oxygéner pour dégager tous les arômes.
  • Le verre à vin blanc peut avoir un calice moins large car il n'est pas nécessaire de le remuer et de plus l'oxygénation peut altérer les nuances délicates de certains vins. L'ouverture plus petite du verre permet de concentrer les arômes,
  • Le champagne se buvait autrefois dans des coupes aujourd'hui abandonnées. Elles ont en effet un grand inconvénient : l'ouverture très large expose le vin à l'air ce qui fait disparaître rapidement les bulles de la surface. Or les bulles sont un élément important de l'appréciation visuelle du champagne. Cet inconvénient n'existe plus avec la flûte dont la hauteur et l'étroitesse du calice permet une bonne persistance des bulles, d 'autant que le verre du fond des vraies flûtes à champagne est dépoli ce qui provoque un dégagement permanent des bulles.

En conclusion, buvez votre vin ordinaire dans le verre que vous voulez, il ne s'agit que d'avaler. Par contre un vin d'une certaine classe ne peut exprimer ses qualités dans un gobelet quelconque.

Alors « trinquons ! ». À propos connaissez vous l'origine du « tchin-tchin » ? Au Moyen-Age, lors des banquets, il était fréquent qu'un des seigneurs tente d'empoisonner un de ses homologues en versant le poison dans le récipient qui servait à boire le vin. Pour dissuader les empoisonneurs, un cérémonial a été institué : cogner son verre rempli à ras bord contre celui des autres convives. Lors de ce choc un peu de liquide s'échangeait ainsi entre les verres.

Un petit conseil pratique, pour finir, concernant le nettoyage des verres. Ne pas utiliser de détergents, qui sont parfumés, ni de linges pour essuyer, ils peuvent également transmettre une odeur provenant de la lessive utilisée pour les laver. La bonne méthode est de rincer et laver les verres à l'eau chaude après avoir servi. S'il faut les dégraisser, on emploie une eau savonneuse, d'un savon sans odeur. Il ne faut pas essuyer les verres mais les mettre à sécher, suspendus par le pied dans la position renversée. Puis on les range dans une armoire en vitres, sans odeur, debout sur le pied.