Le vin, sa symbolique et sa consommation à travers les siècles

Chris Ford

      Depuis la plus haute antiquité, l'homme produit et consomme du vin. Dans les récits de la Bible Noé planta de la vigne après le déluge. Salomon dit : « donnez du vin à ceux qui ont le cœur amer ».

     Dans les traditions chez le peuple juif, les jours de fête ainsi que les repas du shabbat (temps de repos hebdomadaire du vendredi soir au samedi soir) sont sanctifiés par une coupe de vin. De même lors de la circoncision du nouveau né, une coupe de vin est remplie, à laquelle boivent le préposé à la circoncision, le père de l'enfant et toute l'assistance. Il est même d'usage de mettre quelques gouttes de vin dans la bouche de l'enfant.

      Les romains, dans leur conquête de la Gaule vont organiser et structurer la production viticole pour procurer aux légionnaires une boisson « dopante ».

     Les moines, pendant de nombreux siècles vont produire du vin, un besoin pour les offices religieux et l'accueil des pèlerins et des voyageurs qui ne trouvaient de gîte que dans les abbayes. De plus, ils étaient à la recherche permanente de la qualité car ils offraient les meilleurs vins de leur production au roi et au Pape, cela pour obtenir les subventions nécessaires au financement de la vie de la communauté. En exemple citons les abbayes de Lagrasse, Fontfroide et Valmagne dans le Languedoc, celle de Citeaux en Bourgogne où fut fondé l'ordre des Cisterciens qui construirons le cellier du Clos de Vougeot. N'oublions pas l'abbaye Bénédictine de Hautvillers dans la Marne dont la gestion du vignoble fut confiée à Dom Pérignon.

         Pendant le Moyen-Age le vin sera une boisson aussi essentielle que le pain dans la nourriture quotidienne. L'eau étant rarement potable elle doit être coupée de vin, voire de vinaigre. Dans plusieurs régions viticoles beaucoup de testateurs prévoient dans leurs legs que leurs proches ne manquent pas de vin. Le vin est un élément de partage qui entretient les relations sociales. Refuser l'offrande du vin ou celle de la nourriture est perçu comme un geste injurieux.

           Au 19ème siècle, le développement industriel va faire naître dans le monde ouvrier et agricole ceux qu'on appellera les travailleurs de force, ceux qui travailleront dans les usines, dans les champs, dans le bâtiment et dans les mines. Ils seront à la recherche d'une boisson désaltérante et énergisante. A cette époque les vignobles du Languedoc et du Roussillon produisent un vin de table correspondant à cette demande. Un vin un peu acide, donc désaltérant et peu alcoolisé (9 à 11%). L'invention du chemin de fer va permettre à ce vin d'être distribué dans toutes les régions de France et le bas prix va le rendre accessible à tous. C'est ainsi que la consommation qui était de 80 litres par personne au début du siècle va doubler pour arriver à 160 litres au début du 20ème siècle. A cette époque, le vin a également une forte symbolique sociale. Je me souviens, dans les années 50, que mon père, viticulteur, allait le dimanche après la messe et parfois à nouveau l'après-midi au « bistrot » du village retrouver d'autres viticulteurs autour d'une « chopine » de vin.

         De nos jours, les mines fermées et les machines remplaçant l'homme dans les travaux les plus pénibles, le besoin de ce type de vin a disparu. Du même coup, le volume de consommation a très nettement baissé, il est aujourd'hui de 53 litres par personne et par an. Le consommateur est maintenant à la recherche d'un vin « plaisir » à boire en toute convivialité au cours d'un repas de famille ou de réunion entre amis. La consommation est ainsi devenue occasionnelle (les consommateurs réguliers ne sont plus que 11% et à l'opposé il y a 7% qui ne boivent ni vin, ni alcool) et se porte surtout sur les vins de qualité.

          Tout cela n'a pas empêché ces peuples, pendant des millénaires de bannir l'excès de consommation de vin (même Noé s'est ridiculisé devant son fils en s'enivrant un jour) comme on banni aujourd'hui naturellement l'excès en toute chose.

Ouvrage de référence : « Voyage aux pays du vin » chez Robert Laffont