Le vin serait-il meilleur pour la santé que l’eau ?

Isante_magazine

« Alcoolier !!! alcoolier !!! Est-ce que j'ai une tête d'alcoolier ? »

Voilà ce qu'auraient pu dire, s’ils étaient encore de ce monde, mon frère, mes parents, grands-parents et arrière grands-parents, tous viticulteurs. Pour de nombreux éminents professeurs en addictologie, les viticulteurs seraient en effet des alcooliers. La définition d'alcoolier, dans le dictionnaire, est : industriel fabricant de l'alcool.

Ramener la viticulture à cela est à mon sens un raccourci très réducteur. Certes, le vin contient de l'alcool (alcool éthylique ou éthanol) mais représente de 10 à 14% d'un ensemble de plus de 300 composants aujourd'hui identifiés. De plus c'est oublier que depuis plusieurs millénaires le vin a été un symbole majeur de la culture des pays du pourtour méditerranéen et a contribué au bien-être des populations. Cette boisson a été utilisée pour ses propriétés médicales par plusieurs civilisations. Au 6 ème siècle, la prescription de Saint-Benoît (« De la mesure à garder dans le boire ») aux moines de sa congrégation leur autorisait à consommer une Hermine de vin par jour, c'est-à-dire environ 27 centilitres (approximativement 2 verres). Pour Pasteur, le vin était même la « plus saine et la plus hygiénique des boissons ».

Cela dit, si les effets néfastes d'une consommation excessive de boissons alcoolisées n'est plus à démontrer, des effets bénéfiques en termes de protection vasculaire ont également été prouvés. Depuis une trentaine d'années de très nombreux travaux ont été effectués par la communauté scientifique sur la relation entre le vin et la santé avec des vertus protectrices pour les uns et des effets néfastes pour les autres. Le débat est donc ouvert.

Cependant la balance penche nettement pour les uns car il est aujourd'hui communément admis qu'une consommation modérée mais régulière de vin rouge protège contre les maladies cardiovasculaires, ce que confirment de nombreuses enquêtes épidémiologiques. L'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) situe une consommation modérée de vin à 2 verres par jour pour les femmes et 3 verres par jour pour les hommes et recommande également de s'abstenir un jour par semaine de toute consommation d'alcool.

 Tout débute par la mise en évidence du fameux « French Paradox » au début des années 80. C'est la constatation, en France, chez les hommes de 34 à 65 ans d'un taux de mortalité qui se situe juste au-dessus de celui de la Grèce ou du Japon alors que la consommation de graisses animales en France est très élevée. Ceci s'explique notamment par la consommation de vin et de la présence dans celui-ci de polyphénols (surtout dans les vins rouges). Ces derniers sont de puissants anti-oxydants réduisant l'oxydation des lipides (graisses) et apportant ainsi un effet cardio-protecteur. L'existence du « French Paradox » sera plus tard vulgarisé par l'équipe du Docteur Serge Renaud.

Par ailleurs, le Docteur italien Di Castelnuevo propose une analyse plutôt surprenante : sur les risques de mortalité toutes causes confondues, regroupant 34 études épidémiologiques réalisées dans différents pays, l’analyse aboutit à une courbe « en J ». Ce graphique est un comparatif des risques entre les non consommateurs de boissons alcoolisés et les consommateurs de vin. La courbe montre que chez une femme consommant 2 verres de vin par jour et chez un homme consommant 3 verres de vin par jour, le risque de décès par maladies cardiovasculaires est plus bas que chez l'abstinent qui ne boit que de l’eau. Sur la même courbe, on s'aperçoit qu'avec 3 verres de vin par jour pour la femme et 5 pour l'homme ce risque se situe au même niveau que pour l'abstinent. Bien entendu, pour des quantités de vin supérieures le risque devient plus élevé.

Avec de tels résultats, on peut comprendre que la polémique sur le sujet n’est pas prête de s’arrêter.