Faut-il une femme pour sauver le soldat UMP?

NKM en aurait-elle ras la casquette des guerres de quéquette? Elle ne le dit pas comme ça, parce qu'elle est plus polie que moi : sur Twitter, ce matin, elle écrit simplement "Nous refusons qu'une guerre d'hommes à Paris porte un coup fatal à notre parti." Est-ce à dire que l'inextricable conflit Fillon-Copé serait en train de tourner à la gué-guerre de territoire entre mâles dominants à peine plus évolués que leurs ancêtres de la préhistoire? Le dire ainsi, c'est assurément extrapoler, voire travestir le sens des propos de Nathalie Kosciusko-Morizet et son appel à revoter.

Toutefois, en posant la question d'une "guerre d'hommes", NKM soulève un point fondamental dans cette affaire : où sont les femmes ? Parmi les candidat-es déclarées au cours de l'été dernier, elle était précisément la seule femme. Finalement écartée du scrutin à 900 signatures de militants près, elle répliqua en dénonçant un système de parrainage inéquitable lui ayant fermé la porte des primaires populaires et en lançant, dans la foulée de sa candidature avortée, son propre mouvement, la France droite. En politique comme dans le monde de l'entreprise, la meilleure (ou la seule) solution pour une femme qui veut devenir la chèfe serait-elle de créer sa propre structure?

 

La question de l'accès des femmes aux hautes responsabilités politiques et partant celle de la parité constituent une épreuve culturelle pour tous les partis. C'est loin d'être l'apanage de la droite, en témoigne les résistances et les grincements de dents qu'ont suscité la constitution du premier gouvernement paritaire français au sein du camp socialiste.

 

En matière de parité (comme en matière de quotas de femmes dirigeantes dans les entreprises), l'argument piège consiste à faire la promesse que la présence des femmes serait naturellement pacificatrice. Non, la conquête et l'exercice du pouvoir ne se colorent pas de rose pastel quand les femmes y participent. Le prétendre, c'est non seulement risquer de voir les faits démontrer l'inverse et c'est surtout le entretenir indéfiniment le stéréotype de la sacro-sainte douceur féminine faite, comme la musique de chambre, pour apaiser les moeurs. Oui, pour réussir en politique, les femmes sortent les crocs, elles aussi. Et se voient parfois taxées de "pires que des mecs", quand reconnaissons-le, elles sont seulement au même niveau qu'eux.

 

Mais sortir les crocs n'empêche pourtant pas les femmes de se casser les dents sur la ligne d'arrivée. Pourquoi les femmes sont si peu nombreuses quand le combat devient le plus acharné? Pourquoi faut-il que la loi et/ou la volonté active des dirigeants les "aident" à parvenir aux sommets du pouvoir en imposant une parité mal perçue par les hommes qui y voient une forme de discrimination positive contraire à l'esprit démocratique français? Pourquoi les femmes ne parviennent-elles pas à naturellement s'imposer dans le jeu final?

 

Dans son récent rapport "femmes et pouvoir : tabou ou nouveau modèle de gouvernance", Viviane de Beaufort avance une hypothèse intéressante sur le sujet. Selon ses conclusions, les femmes ont du mal à apprivoiser pleinement le pouvoir parce que les codes traditionnels, d'inspiration guerrière, de la conquête, les mettent mal à l'aise, y compris quand elles sont capables de les maîtriser. A ces codes, elles associent des notions plutôt négativement connotées, comme l'autorité ou l'ambition, auxquelles elles disent préférer la démonstration des compétences, le sens du collectif et la force de conviction.

 

C'est donc bien au niveau de la représentation du pouvoir que le blocage se trouve. Quand il faut se choisir un chef et un seul, il semble qu'au plus intime de la conviction de l'électeur, l'instinct du soldat prêt à monter au front prenne le dessus sur la raison démocratique du votant. On veut de la "crédibilité", on veut du "charisme", on veut de "l'autorité", autant de qualificatifs qui renvoient autant à la figure d'un Général à la légitimité supérieure qu'à celle d'un Dieu paternaliste.

Les partis politiques, et l'UMP au premier chef (!) sauront-ils se défaire de cette conception virilo-divine du pouvoir pour trouver une issue à leurs "guerres d'hommes"?

Publié par Marie Donzel / Catégories : Actu