Afghanistan : un incessant recul de l'espoir

Des membres des forces de sécurité afghanes en face du lycée français Esteqlal de Kaboul (Afghanistan), le 11 décembre 2014. (HAROON SABAWOON / ANADOLU AGENCY / AFP)

En 2002, trois filles de Kaboul sortaient un disque  et pas n'importe où sur Monika Enterprise, un  label allemand connu pour son activisme féministe et son exigence artistique. Le groupe s'appelait Burka Band, chantait en anglais et s'habillait justement d'une burka, histoire de témoigner à visage couvert de ce qu'avaient vécu les femmes afghanes. Elles tournaient aussi en dérision cette pratique barbare. Les voici, dans une version de Burka Blue, leur tube underground, remixé par l'Allemande Barbara Morgenstern.

J'ai employé le "plus que parfait" car après la chute de Talibans en 2001 et l'instauration d'un gouvernement provisoire dirigé par Hamid Karzai en 2002, on pensait que, tôt ou tard, on ne verrait plus de burka en Afghanistan. Sur le coup, en proie à un espoir naïf, on oubliait que ces mêmes talibans avaient été installés par les Etats-Unis, que l'Occident avait réagi un peu tard, ne se mobilisant véritablement qu'à partir de la destruction des bouddhas de Bâmiyân en mars 2001 et surtout à partir des attentats du 11 septembre pour des raisons discutables - la traque de Ben Laden et une volonté de vengeance. On oubliait tout cela en se disant que finalement, si tout cela aboutissait à l'éradication pure et simple des Talibans, cela serait en soi une victoire.

Plus de dix ans après, non seulement le processus démocratique n'est pas encore terminé (les dernières élections de juin 2014 qui ont amené au pouvoir Ashraf Ghani ont été entachées d'irrégularités), mais les Talibans sont toujours là et ils gagnent même du terrain. Le 11 décembre, ils ont encore frappé d'un attentat, le centre culturel français de Kaboul où se jouait une pièce de théâtre intitulé Battement de cœur, le silence après l'explosion. Dans une mise en abîme cruelle, le spectacle dénonçait justement les attentats-suicides. Au moins un mort et une vingtaine de blessés de plus, dans une guerre sans fin. Alors que les militaires de l'OTAN se retirent (pour l'armée américaine, ce sera en 2016), on se dit l'espoir d'un Afghanistan libre et démocratique se réduit encore un peu plus. Et le souvenir de ces trois pauvres Burka Band avec.

Et la vision d'un autre titre du trio aura donc valeur d'incantation. No Burka !