Rome : la mafia, cette malédiction

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Plus encore la crise économique qui touche durement l'Italie, plus encore que la télévision commerciale qui a tiré vers le bas le niveau de réflexion de la société italienne, plus encore que l'Eglise Catholique, contre-pouvoir réactionnaire, qui fige toute évolution sociétale , plus encore qu'une classe politique minée par les affaires et dérivant de plus en plus vers les tentations populistes, plus encore que tous ces maux qui handicapent le développement d'un pays pourtant riche en forces vives et en bonnes volontés, c'est bel et bien la mafia qui joue le rôle de boulet suprême de l'Italie. Peut-être parce que justement, la mafia est liée, plus ou moins, à toutes ses malédictions.

Malédiction. Le mot n'est pas trop fort et il était employé par le groupe italien Litfiba en 1993 évoquant la corruption, le scandale de loge maçonnique P2 et je cite, l'"euro-mafia comme produit d'exportation". Dans leur brulot, les rockeurs italiens souhaitaient prendre les rênes de la télévision pour étaler au grand jour tous ses plaies qui empoisonnent l'Italie. Un geste qui ne manque pas de sens, sachant que la plupart des médias appartiennent à Silvio Berlusconi, lui-même impliqué dans de nombreuses affaires douteuses (et c'est là un doux euphémisme), que ce soit à titre personnel ou via ses sociétés, Edilnord ou Fininvest. Sur les chaînes de Silvio, on n'est plus "bimbo" qu'"info", on ne se refait pas.

En 1993, quand Litfiba sortait Maudit, il y avait pourtant le secret espoir que la vie politique s'assainisse un peu : l'Italie était en pleine opération Mains propres. Il suffisait aux juges de lancer une ligne dans les eaux troubles de la finance et vous tombiez sur un scandale financier démontrant un peu plus les liens entre des politiciens et la mafia. Il y a eu plusieurs milliers d'inculpations, la fuite de Bettino Craxi, ancien chef du gouvernement. Mais au final, cette opération d'envergure a surtout abouti à des non-lieux, les prévenus bénéficiant largement de la prescription. Depuis 2006 et Gomorra, du journaliste Roberto Saviano sur la Camorra et ses ramifications, on sait encore plus que la Mafia, tel un parasite évolué, a une capacité de survie, d'évolution et de propagation sans équivalent. Et qu'il n'y a pas encore de vermifuge assez puissant pour s'en débarrasser.

Depuis mardi, de nouvelles preuves sont patentes, ne touchant pas la Sicile ou Naples, mais bel et bien Rome, une ville éternellement sous l'emprise de la Mafia et de son parrain, Massimo Carminati. Dans une vaste opération policière, 37 personnes ont été appréhendées et 76 autres sont visées par une enquête, dont l’ancien maire de droite Gianni Alemanno. Il y a des conseillers municipaux et régionaux, des fonctionnaires et même des policiers. L'Italie n'en sortira donc jamais et tout semble gangréné.

Pour un peu, on se dirait qu'en France, ce n'est pas brillant certes (26e au classement de la corruption au classement du Transparency International), mais qu'à côté de l'Italie, nous sommes encore des petits joueurs. On se rassure comme on peut...