Janvier, fiche de paie en berne

Comme chaque année depuis plusieurs années, je vais regarder ma fiche de paie de janvier avec un petit sourire jaune : comme d’habitude, je vais constater une baisse du total perçu. Oh, pas grand-chose, me direz-vous. Quelques euros, tout au plus. Oui mais, si on additionne les euros avec les euros, sur toutes ces années, ça fait combien au juste ?

Pendant le gel, les prix augmentent

Depuis 2010, le point d’indice des fonctionnaires est gelé, le salaire n’augmente plus. Or, dans le même temps, les prix n’ont pas cessé de grimper. 2,1% entre 2010 et 2011, 2% entre 2011 et 2012, 0,9% entre 2012 et 2013, 0,5% entre 2013 et 2014. En attendant l’annonce par l’INSEE fin janvier de la hausse des prix entre 2014 et 2015, cela fait une hausse cumulée de 5,6% entre  2010 et 2014. Mécaniquement, le pouvoir d’achat des profs a donc baissé de 5,6% entre 2010 et 2014, uniquement en raison de la hausse des prix.

Hausse des cotisations, perte de salaire

A cette baisse mécanique, il faut ajouter la hausse des cotisations : chaque année en janvier, les retenues sur salaire augmentent, notamment la retenue pension civile (cotisation retraite), programmée à la hausse jusqu’en 2020 afin d’aligner sur le privé. Je me suis amusé (si j’ose dire) à calculer combien j’avais perdu depuis 2010 à cause de la hausse des cotisations.

Sur ces 6 années, il me faut en retirer 2 de mes calculs : en 2011 et en 2014 j’ai passé un échelon, aussi il m’est difficile de comparer ces années avec les précédentes. J’ai donc calculé ce que j’avais perdu sur ma fiche de paie sur les 4 autres années de cette période.

Entre 2011 et 2012, j’ai perdu 8 € par mois en raison de la hausse des cotisations, soit 96 € durant l’année.

Entre 2012 et 2013, j’ai perdu 7,91 € par mois, soit 94,92 € durant l’année.

Entre 2014 et 2015, j’ai perdu 8,77 € par mois, soit 105,24 € durant l’année.

Entre 2015 et 2016 je vais perdre 9,19 € par mois, soit 110,28 € durant l’année.

Bien entendu, les 96 € perdus la première année sont aussi perdus l’année suivante, et ainsi de suite. En additionnant les pertes, cela donne :

Entre 2011 et 2012, 96 €.

Entre 2012 et 2013, 190,92 €.

Entre 2014 et 2015, 296,16 €.

Entre 2015 et 2016, 406,44 €.

Cela fait un total de 989,52 €. Faute de savoir ce que j’ai perdu entre 2013 et  2014, il faut ajouter les 96 € et 94,92 € des années précédentes également perdus cette année-là. On en est à 1180,44 €. Si entre 2013 et 2014 j’ai perdu autour de 100 €, comme c’est le cas pour les autres années, alors il faut encore enlever 300 € jusqu’en 2016. Le total est de 1480,44€, sans même prendre en compte la perte de 2010 à 2011, à répercuter sur les autres années, qui avoisine sans doute les 500 € si on conserve l'ordre de grandeur des pertes annuelles suivantes. On peut donc raisonnablement penser qu’entre 2010 et 2016, la hausse des cotisations a engendré une perte de quasiment 2000 € nets. Plus d’un mois de salaire. Ou pour le dire autrement, environ un demi-échelon.

Oui, mais j’ai aussi gagné des sous

Vous allez me dire que j’ai tout de même changé d’échelon deux fois, ce qui m’a assuré une hausse de salaire. C’est vrai. Heureusement. Parce que les 2000 €, eux, je les ai bel et bien perdus.

Vous allez aussi me dire, si vous êtes au fait de l’actualité de l’éducation, que je bénéficie depuis 2013 d’une indemnité, l’ISAE. C’est vrai. Cela représente 170 € nets deux fois par an (c’est encore trois fois moins que l’ISOE des profs de secondaire), soit 850 € sur la période considérée. Cela ne couvre pas la perte enregistrée, loin de là.

Résumons

Une perte de pouvoir d’achat de 5,6% minimum due au gel du point d’indice et à la hausse des prix. Dans le même temps, une hausse des cotisations qui finit par s’élever à près de 2000 € sur la même période. A cela il faut ajouter, on l’a déjà calculée, la perte financière générée par les nouveaux rythmes scolaires.

Rappelons que les instits français, de l’avis de l’OCDE, sont sous-payés comparativement à leurs homologues étrangers (12% de moins que la moyenne).

Rappelons aussi qu’entre 2000 et 2010, le salaire moyen des instits français a diminué de 11%, pendant qu’il augmentait en moyenne de 14% dans l’OCDE.

Cela n’empêchait pas une majorité de français de penser, en 2014, d’après la fondation Varkey Gems, que les profs devraient être moins payés.

 

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