L’OCDE confirme ce que disent les instits français

"Regards sur l'éducation 2015" @ OCDE

Cette semaine l’OCDE a publié son rapport annuel sur l’école « Regards sur l’éducation 2015 », qui vient confirmer par les chiffres ce que les instits passent leur temps à dire, sans toujours être entendus.

Les instits (et les élèves) travaillent beaucoup

Les enseignants de primaire français sont parmi ceux qui travaillent le plus : ils enseignent 924 heures par an, c’est 152 heures de plus que la moyenne de l’OCDE. Ce volume est composé de 864 heures devant la classe, ce qui est largement au-dessus de la moyenne également puisque les élèves de primaire de l’OCDE ont en moyenne 804 heures de classe par an. Les 60 heures de différence sont dédiées au travail en petits groupes de soutien. A ce total de 924 heures, il faut ajouter 48 heures de formation et réunions en tout genre.

Bien sûr, il ne viendra pas à l’esprit le moins éclairé de penser que le travail des profs s’arrête là : il faut ajouter toutes les corrections, la conception et la préparation du travail fait en classe et les rendez-vous avec les parents (en 2010 le ministère annonçait 44 heures de travail hebdomadaire en moyenne, 52 heures pour les plus jeunes).

Les instits sont nettement moins bien payés qu’ailleurs

Cela va sans doute faire grincer des dents ceux qui aiment penser que les instits sont grassement payés, mais l’OCDE est très claire : les instits français touchent 12% de moins que la moyenne.

Pire, depuis 2000, le salaire d’un instit français a baissé de 11%, alors qu’il augmentait de 14% en moyenne dans l’OCDE.

Dans le détail, un instit anglais touche 17% de plus qu'un instit français, un finlandais 20% de plus, un américain 40%, un allemand 68% et un luxembourgeois... 166% (c’est décidé, je vais bosser là-bas).

La différence vient essentiellement des écarts entre les salaires statutaires, que ce soit en début de carrière, après 10 ou après 15 ans. Ainsi, en début de carrière, un allemand touche déjà 88% de plus qu’un français, un canadien 45% de plus ; au bout de 10 ans, un anglais touche 46 % de plus qu’un français, un américain 72% de plus, un canadien carrément deux fois plus, un luxembourgeois presque trois fois plus !

Les classes sont plus chargées qu’ailleurs

En primaire, le nombre d’élèves par classe est officiellement de 23 en élémentaire (25,8 en maternelle). C’est plus que la moyenne de l’OCDE, qui est de 21 élèves. Certes, en Chine ou au Chili cela monte à 29 élèves par classe, mais en Finlande (le modèle), il y a 19 élèves par classe et au Luxembourg, 15.

A ce sujet, le rapport précise qu’« il peut exister une corrélation positive entre ces deux variables au sein de groupes spécifiques et dans certains contextes, comme dans les établissements d'enseignement considérés « à risque » ou pour les élèves en difficulté ». Par ailleurs, « des effectifs plus importants par classe sont corrélés avec une diminution du temps en classe consacré à l'enseignement et l’apprentissage, et une augmentation du temps passé à maintenir l'ordre en classe

Le primaire est la dernière roue du carrosse

En 2012, la France investissait 5,3% de son PIB dans l’éducation et l’enseignement supérieur, exactement la moyenne de l’OCDE (6,4% pour les Etats-Unis). Mais quand on entre dans le détail, il faut constater un « déséquilibre flagrant », comme le note le rapport. En effet, l’investissement par élève de l’école primaire est de 15% inférieur à la moyenne de l’OCDE, quand l’investissement par lycéen est 32% au-dessus de la moyenne.

Malgré la priorité affichée au primaire par l’actuel gouvernement, la balance est loin d’être équilibrée.

Puisqu’on est à parler de l’engagement de l’état dans l’éducation, il y a un autre chiffre très intéressant dans ce rapport, et passé complètement inaperçu : les dépenses publiques totales d’éducation représentent 8,8% du total des dépenses publiques en France. C’est très en-dessous de la moyenne de l’OCDE, qui est de 11,6%, et de pays comme la Corée (14,2%), la Norvège (14%), le Royaume-Uni (12%), les Etats-Unis (11,8%), la Finlande (11,2%).

La diminution de la dépense publique ne saurait donc se faire sur le dos de l’éducation, il faudra chercher ailleurs les sources de réduction du déficit public.

Dépenses publiques totales d'éducation

 

La France, championne du monde des fondamentaux !

Ce n’est pas une nouveauté, le rapport 2014 le disait déjà (mais curieusement, les médias français n’en avaient pas parlé) : contrairement aux idées reçues, la France est la championne des fondamentaux. En moyenne dans l’OCDE, on consacre 37% du temps scolaire à la langue et aux maths en primaire. En France, c’est 58% du temps qui y est consacré, tous les autres pays y consacrent moins de la moitié du temps de classe (à part le Mexique, 55%). Le temps dévolu au français représente 37% du total, aucun pays n’accorde plus de place à la langue (22% dans l’OCDE, 24% en Finlande, le modèle). Le temps consacré aux maths représente 22% en France, nettement plus que la moyenne (15% dans l’OCDE, 16% en Finlande, le modèle), seul le Portugal fait mieux (27%).

Voilà qui clôt le faux débat sur le « retour aux fondamentaux », présent jusque parmi les enseignants : on voit bien ici que ce n’est pas la quantité de temps accordée au français et aux maths qui est problématique.

Désintox : non, pas 162 jours d’école, mais bien 180 !

Terminons par une incongruité qui n’a semblé gêner personne, surtout pas la presse, qui a repris en cœur le chiffre annoncé par l’OCDE : il y aurait en primaire 162 jours de classe par an. Quand on se reporte aux 610 pages du rapport, on constate que le chiffre qui y figure est 144 jours : normal, puisque le rapport se fonde sur les chiffres de 2012, avant la réforme des rythmes scolaires, donc. Sauf que depuis la réforme des rythmes scolaires, les élèves français sont passés à 180 jours de classe par an, logiquement, puisqu’ils vont un jour de plus à l’école 36 fois dans l’année.

Comment expliquer ce curieux chiffre de 162 jours de classe, alors ? Et bien c’est celui qui figure dans la note de l’OCDE pour la France (17 pages, c’est plus facile à lire que 610). A mon avis, celui qui a publié ce chiffre a considéré que le mercredi comptait pour un demi jour, vu qu’on y travaille que le matin. Sauf que ce n’est pas la quantité d’heure de classe qui compte (car la moyenne quotidienne de l’OCDE est de 4 heures par jour, nettement moins qu’en France), mais le nombre de jours où les élèves se rendent à l’école.

Un rapide détour par le site du ministère confirme que les écoliers français travaillent bien 180 jours par an (tout proche de la moyenne de l’OCDE, 185 jours).

Nb jours de classe - gouv

 

Le rapport est disponible ici.

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