Vacances d’été : Vincent Peillon verra-t-il le bout de sa réforme des rythmes scolaires ?

Kenzo Tribouillard / AFP

Cette semaine, la réduction des vacances d’été a été repoussée à 2017, au mieux. Il s’agit pourtant d’un aspect important de la réforme des rythmes scolaires, laquelle n’en finit plus de se vider de sa substance.

Pas avant le prochain quinquennat…

L’information a fuité dès mardi sur le site de L’Express : la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire a publié les calendriers pour la période 2104-2017, et le format actuel est reconduit pour ces trois années. Déduction : la réforme des vacances d’été est donc ajournée, leur raccourcissement n’aura pas lieu avant 2017. Le lendemain, le ministre Vincent Peillon nuance dans un communiqué à l’AFP, affirmant que les discussions sur le sujet auront lieu en 2015, comme il est prévu depuis plusieurs mois, mais concède que rien ne changera avant 2017, année des élections présidentielles – peu propice aux réformes. Il faudra donc attendre le prochain quinquennat pour voir les choses bouger.

L’idée de raccourcir de deux semaines les vacances d’été et de passer de 36 à 38 semaines d’école a pour objectif de mieux répartir sur l’année le volume d’enseignement et d’alléger de fait les journées de classe. Les 38 semaines sont préconisées par plusieurs rapports et avaient été retenues par le Comité de pilotage sur les rythmes scolaires mis en place par Luc Chatel en 2011. La concertation de l’été 2012 avait également abordé le sujet et retenu l’idée, et le ministre lui-même avait annoncé la couleur dans son livre « Refondons l’école » paru il y a un an, avant que les médias buzzent sur la question en février dernier.

« Que chacun soit cohérent par rapport à lui-même »

La dernière partie du communiqué AFP du ministre laisse assez perplexe. Il rappelle que la consultation sur les rythmes scolaires avait donné une « orientation, c’était cinq heures, c’était 4,5 jours, c’était 38 semaines. Que chacun soit cohérent par rapport à lui-même. Si c’est dans ce sens que tout le monde était d’accord il y a quelques années, c’est dans ce sens qu’il faut avancer. Mais aujourd’hui ce n’est pas un sujet ». Si on comprend bien, Peillon rappelle lui-même les lignes tracées au début des discussions (cinq heures, 4,5 jours et 38 semaines), avant de mettre tout le monde devant ses responsabilités pour ensuite déclarer qu’on verra tout ça dans des années… « Il faut avancer, mais ce n’est pas un sujet ». En effet, il faut que « chacun soit cohérent par rapport à lui-même »...

A moins que le ministre n’exprime ici en creux un regret personnel de ne pouvoir aborder plus tôt cette question des vacances d’été, vu le programme qui l’attend.

Trop de dossiers chauds d’un coup…

Après la réforme des rythmes hebdomadaires, qui a occasionné une vive opposition – et dont on oublie souvent que 80% des élèves n’y sont pas encore passés ! – et avant l’ouverture du prochain gros sujet, annoncé il y a plusieurs mois et à nouveau abordé en cette rentrée, à savoir une réforme du statut des professeurs elle aussi source inévitable de tensions, le ministre semble avoir fait un choix : la suppression de deux semaines de vacances d’été aurait suscité bien des oppositions et une probable contrepartie financière pour les enseignants. Le ministre a préféré les éviter.

Le ministre sait aussi qu’après la grogne déclenchée par la mise en place de la semaine de 4,5 jours, il aurait eu à se battre, sur ce thème des vacances d’été, non seulement avec les enseignants, majoritairement opposés à leur raccourcissement, mais aussi avec les industries du tourisme, favorables au changement si elles peuvent dicter leurs conditions.

En se limitant pour les mois à venir à la seule réforme du statut des profs, Peillon évite d’ouvrir trop de lignes de front et concentre l’opposition sur le seul corps enseignant, dont on dira facilement qu’il grogne quoiqu’il arrive.

Une réforme des rythmes qui n’a, au final, plus beaucoup de substance

Puisque le ministre se plaît à rappeler les recommandations faites et les pistes tracées, rappelons à titre indicatif ce que l’Académie de médecine et de nombreux spécialistes des rythmes de l’enfant préconisent :

- un allègement des journées de classe, afin de limiter la surcharge cognitive

- l’école sur 9 demi-journées avec ajout du samedi matin (le weekend de deux jours entraîne une désynchronisation des rythmes, rappelle l’Académie, qui ajoute que « les performances mnésiques sont meilleures après un week-end de un jour et demi comparé à un week-end de deux jours »)

- le raccourcissement des vacances d’été, afin de mieux répartir les heures d’enseignement sur l’année

- une alternance de 7 semaines de classe / 2 semaines de vacances, afin d'éviter de trop longues période d'école (jusqu'à 11 semaines parfois)

Tout ceci, bien évidemment, ne vaut que de concert : les mesures ne sont pas à prendre séparément, elles sont indissociables et n’ont de sens que les unes par rapport aux autres.

Or, les vacances d’été ne seront pas raccourcies avant la Saint Glinglin, on ne reparle plus de l’alternance 7 /2 et la demi-journée supplémentaire choisie est le mercredi et non le samedi. Quant à l’allègement des journées de classe, on voit qu’il est symbolique dans la plupart des formats choisis par les communes passées à la semaine de 4,5 jours, d’une part (certaines ont même gardé trois jours identiques et sacrifié une après-midi complète), d’autre part on se demande comment les heures de classe pourront être allégées tant que les programmes ne le seront pas

Une partie du problème réside dans le fait qu’il aurait fallu penser la réforme des rythmes dans son ensemble dès le départ (voir commencer par autre chose, pour certains), plutôt que de rester bloqué sur l’unique aspect hebdomadaire des rythmes en laissant de côté l’aspect annuel et programmatique. Emporté par son empressement à changer les choses et surtout à faire vitrine de ce changement, fut-il un brin trompeur, limité aussi par une marge budgétaire qui n’a malheureusement pas teinté ses ambitions de pragmatisme, obligé du coup de faire des concessions à contrecœur et à contretemps, Peillon a compromis une réforme décisive et nécessaire.

 

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