Réussite scolaire : comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants ?

On aurait pu cette semaine relater la Convention Education de l’UMP, ses annonces formidables, ses prises de position novatrices, sa vision ambitieuse et enthousiasmante de l’éducation. Mais d’une part les envoyés spéciaux ont très bien fait leur job (ici, , et aussi ), d’autre part j’avais envie de rester calme et de me pencher plutôt sur une étude des plus intéressantes publiée cette semaine par PISA (on rappelle que PISA est un programme d’enquêtes internationales sur l’éducation se déroulant tous les trois ans dans les 34 pays de l’OCDE plus une bonne dizaine de pays partenaires).

Cette 10ème étude (synthèse très abordable ici) issue des tests 2009 s’intitule « Réussite scolaire, comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants ? », mais elle aurait aussi pu s’appeler « En quoi l’éducation que vous donnez à votre enfant va-t-elle sensiblement influencer sa scolarité » et particulièrement sa compréhension de l’écrit (référent de l’étude). Rien de révolutionnaire pour qui s’est déjà penché sur la question, mais pas mal de confirmations quand même.

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L’investissement des parents durant la première année de scolarité a des retombées sur l’ensemble de la scolarité de l’enfant

« Les informations recueillies auprès des parents révèlent l’existence d’une forte corrélation entre leur engagement auprès de leur enfant et l’engagement de ce dernier dans les activités liées à la lecture durant sa première année de primaire et sa performance dans la compréhension de l’écrit à l’âge de 15 ans ». L’écart entre élèves peut aller jusqu’à 25 points, soit une demi-année d’études. Il est important de noter que ce constat est le même dans tous les milieux : certes « les élèves issus d’un milieu socio-économique favorisé bénéficient d’un environnement plus propice à l’apprentissage à de nombreux égards, notamment en termes d’engagement parental », mais un élève issu d’une famille défavorisée à qui on a lu régulièrement des livres aura un écart positif moyen de 14 points avec un autre élève.

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La qualité du temps passé avec l’enfant plutôt que la quantité

« Nombre des activités parent-enfant qui sont associées à de meilleures performances en compréhension de l’écrit chez les élèves ne nécessitent qu’un investissement de temps relativement limité et aucune connaissance spécialisée. En revanche, ces activités requièrent un intérêt réel et un engagement actif de la part des parents. »

Il faut privilégier la qualité de temps passé avec son enfant et l’investissement personnel réel dans des moments de partages sincères et réguliers. Il est certainement déculpabilisant et réconfortant pour un parent de se dire qu’un peu de temps suffit, pour peu qu’il soit correctement utilisé.

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Lire des histoires, parler avec son enfant

« Il est intéressant de noter que la relation avec la performance en compréhension de l’écrit varie en fonction du type d’activité parent-enfant. Par exemple, l’écart de performance en compréhension de l’écrit associé à l’engagement parental est plus important, en moyenne, lorsque les parents lisent un livre avec leur enfant, discutent avec ce dernier de ce qu’ils ont fait dans la journée ou lui racontent des histoires. En revanche, l’écart de score est moindre lorsque l’engagement parental prend la forme d’un jeu en rapport avec l’alphabet. »

Il est en effet très intéressant de constater que pour l’aider dans la compréhension de l’écrit, il est préférable de simplement discuter avec son enfant, lui lire ou lui raconter une histoire, plutôt que de travailler sur l’alphabet… Ben oui, lire c’est donner du sens, pas seulement déchiffrer !

Les parents qui font du gavage scolaire (cours particuliers, alphabétisation précoce, …) devraient réfléchir à ceci : ce qui compte n’est pas tant la quantité d’informations scolaires que la qualité de la relation humaine, l’étendue et la régularité du rapport familial et filial, la variété des supports et des sujets de discussion ; en délégant ce temps d’attention à des tiers (profs particuliers…), les parents se privent et privent leur enfant de ce qui va le nourrir en profondeur.

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Discuter et partager avec les ados

Si l’étude met en évidence l’importance de l’engagement parental et de sa qualité durant les premières années de scolarisation, elle affirme également qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et constate « une forte corrélation entre certaines activités parent-enfant, lorsque l’enfant est âgé de 15 ans, et la performance de ce dernier à l’évaluation PISA de la compréhension de l’écrit ». Ainsi, « les élèves avec qui les parents discutent de questions politiques ou sociales chaque semaine ou chaque jour obtiennent un score supérieur » et ce  encore une fois quel que soit le milieu social. Pour ceux que cela ennuierait de parler politique ou social, on constate que d’autres activités comme « discuter de livres, de films ou de programmes de télévision », « discuter de la qualité du travail scolaire de son enfant », « prendre le repas principal à table avec son enfant », « passer du temps simplement à parler avec enfant » sont également en corrélation avec une meilleure compréhension de l’écrit !

Ici encore, rien que de très logique si on y réfléchit bien : il s’agit de partager, de confronter les points de vue, d’interroger les représentations, de les mettre à distance, de mettre en perspective, de donner du sens, bref, il s’agit déjà de lecture.

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Aider les parents à jouer leur rôle

Bien sûr il ne s'agit pas de faire d'ingérence éducative, ni de donner des leçons, mais il faut entendre ce que dit l’étude qui conclue sur un appel à toute la communauté éducative : «Tous les parents peuvent aider leur enfant à tirer le meilleur parti de ses capacités en passant du temps à parler et à lire avec lui – et ce même, voire particulièrement dès son plus jeune âge. Les enseignants, les établissements et les systèmes d’éducation devraient réfléchir aux moyens d’aider des parents toujours débordés à jouer un rôle plus actif dans l’éducation de leur enfant, tant dans le cadre scolaire qu’en dehors de ce dernier ».

Mille fois d’accord : nous avons tous, membres de la communauté éducative, enseignants et parents, un rôle à tenir. Et il est aussi de notre ressort de pédagogue d'intervenir auprès de certains parents pour leur faire prendre conscience de l'importance de leur rôle. Chaque année, lors de la réunion de présentation de l’année aux parents puis lors des entretiens individuels tout au long de l’année, j’insiste sur l’importance de lire des histoires à leur enfant, sur l’importance de parler avec eux de ce qu’ils font en classe. A certains je propose aussi des activités à faire à 4 mains en marge des devoirs, des lectures à deux voix… Bref, il existe ici un réel espace de réflexion pour l’école.

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Ce que dit aussi cette étude, en creux, c’est que la réussite n’est pas uniquement fonction de l’école.

Ce n’est pas inutile de le rappeler, tant l’école semble être toujours la responsable unique de tous les échecs quand il semble évident que la part de l’éducation est également décisive. Voilà qui va soulager l’école et remettre les choses à leur place : l’école ne peut pas tout. Peut-être faut-il le regretter, tout au moins constater avec F. Jarraud dans un édito du Café Pédagogique que l’école ne parvient pas à inverser la tendance et à réduire les différences initiales en terme d’éducation familiale, ce qui pourrait (devrait ?) aussi être son rôle : « Tout ne se joue pas à l'école. Mais ce "tout" là, l'école française n'arrive pas par la suite à l'effacer. »

Enfin, à travers cette étude, PISA rappelle aussi que la lecture est avant tout une pratique sociale. Jarraud encore : « On lit avec aisance pour retrouver le plaisir que l'on a eu d'histoires partagées avec ses parents et pour les imiter. Le débat sur les méthodes a ses mérites. Mais il occulte le vide en matière de politique culturelle et sociale qui semblent pourtant des leviers efficaces. »

C’est peut-être là l’ultime mérite de cette étude, rappeler une évidence oubliée dans ce pays depuis des années : éducation et culture sont indissociables, et on aidera l’école à faire son travail en ayant une politique culturelle massive et ambitieuse.
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