Un instit à l'origine du livre « Indignez-vous », de Stéphane Hessel


Vous avez évidemment entendu parler du « petit livre à 3 € » intitulé « Indignez-vous », et écrit par Stéphane Hessel ?... Si ce n’est pas le cas, vous devez sûrement rentrer d’un très long voyage ou vivre en ermite dans le Larzac. Le livre en question en est à sa 11ème édition et n'est plus si loin du million d’exemplaires vendus. Saluons la belle réussite de l’éditeur, Indigène, et de sa collection au nom magnifique « Ceux qui marchent contre le vent ». Nous aurons peut-être l’occasion de reparler du contenu de ce court livre rempli de choses très intéressantes, et de son auteur, personnage qui force le respect.


Ce qui nous intéresse ici, en léger décrochage de cette actualité, c’est de faire un petit focus sur l’homme qui est à l’origine de ce livre. Car il s’agit d’un instit ! Il s’appelle Bastien Cazals et est aussi directeur d’école à Montpellier.


En 2008, à la publication des nouveaux programmes il signe une lettre au Président Sarkozy dans laquelle il annonce entre autre son intention de ne pas appliquer les programmes. Extrait :


« En tant qu'enseignant tout d'abord, je prends les décisions suivantes :

· Je n'appliquerai pas les nouveaux programmes mais continuerai à travailler dans l'esprit des programmes de 2002 (qui n'ont d'ailleurs fait l'objet d'aucune évaluation).

· Je n'effectuerai pas l'aide personnalisée auprès des élèves (qui est destinée à remplacer l'aide spécialisée du Rased) mais mettrai à profit ces 60 heures annuelles pour rencontrer les parents deux fois dans l'année (en milieu et fin d'année), organiser les projets pédagogiques collectifs et également pour faire vivre la bibliothèque de mon école (qui est actuellement sous-utilisée faute de personnel mis à disposition).

· Je ne déclarerai pas à l'administration mon intention de faire grève, 48h à l'avance, mais j'informerai, comme par le passé, les parents d'élèves au moins deux jours avant.

· Je ne me porterai jamais volontaire pour les stages de remise à niveau ni ne transmettrai de liste d'élèves.

Ensuite, en tant que directeur, je prends les décisions suivantes :

· Je ne participerai plus au fichage centralisé des écoliers via Base Elèves

· Je ne traiterai plus que les demandes administratives qui concerneront directement les élèves, mes collègues ou le fonctionnement de mon école.

Enfin, en tant que simple citoyen en dehors de tout parti politique, je n'empêcherai pas la diffusion de ces prises de position professionnelles mais au contraire,
tenterai de participer à l'émergence d'une résistance citoyenne et
non-violente, porteuse d'un projet de société généreux et ambitieux – depuis la crise financière, nous savons tous qu'il est possible de trouver beaucoup d'argent lorsque c'est nécessaire – car notre République est en train de tourner le dos à ses dernières missions d'intérêt public... »


La lettre complète est lisible ici.


A la suite de cette lettre à « visage découvert », Bastien Cazals a été très largement emmerdé par l’Inspection Académique (blâme, retrait notamment de nombreux jours de salaires) mais aussi très médiatisé, ce qui lui a permis d’exprimer en détail ses positions. Il appartient également au Réseau des Enseignants du Primaire en Résistance, et a publié en 2009 « Je suis prof et je désobéis »… aux Editions Indigène, situées comme lui à Montpellier.



En 2009, Cazals se rend sur le plateau de Glières, haut lieu de la Résistance durant la seconde guerre mondiale, à l’occasion d’un rassemblement de l’association « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui ». Au pied des montagnes, sous le soleil printanier et le léger vent de mai, il assiste à ceci.


Le discours improvisé de Stéphane Hessel lui fait forte impression et il prend contact avec ses éditeurs, Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman. L’idée naît alors d’amplifier le discours de Hessel. Plusieurs entretiens suivront entre l’ancien résistant et les éditeurs, qui déboucheront sur la publication que l’on sait.

C’est ainsi que se rejoignent l’engagement militant d’un jeune instituteur affranchi et le combat d’une vie d’un grand monsieur humaniste et indigné. Puissions-nous leur emboîter le pas.


On pourra aussi aller lire ce récent billet sur "Blog de prof", qui revient bien sur l'affaire Cazals.