"Une" de Minute/ Taubira: Pourquoi le gouvernement saisit la justice?

Christiane Taubira, ministre de la justice. Paris, le 6 novembre 2013

C'est donc désormais au parquet de Paris de décider de la suite à donner à propos de la couverture de l'hebdomadaire "Minute". La photographie de l'actuel Garde des Sceaux est accompagnée d'une légende ainsi libéllée: "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane".

Autant on peut comprendre et admettre les attaques vis à vis d'un ministre sur la politique menée par son cabinet, autant les attaques personnelles sont condamnables. Surtout quand elles se basent sur le physique, la religion, la race, l'ethnie ou ses préférences sexuelles.

Christiane Taubira pourrait porter plainte auprès du procureur de la république. Elle a décidé de ne pas le faire. Dont acte. En qualité de ministre de la justice, elle ne souhaite pas lancer la procédure. Elle ne souhaite pas non plus faire la promotion du journal en question. Mais en renoncant à ce droit, elle complique la situation. Elle seule, en tant que personne physique, peut déclencher cet action contre l'hebdomadaire d'extrême droite devant une juridiction pénale. Elle seule pourrait également saisir le juge des référés du tribunal civil afin d'obtenir ou tout au moins de demander la saisine, le retrait des kiosques du journal. Là encore, Mme Taubira ne semble pas avoir retenue cette éventualité.

D'où la difficulté dans laquelle s'est retrouvé le gouvernement. Contrairement aux associations comme SOS Racisme, le MRAP, le gouvernement ne peut pas en qualité de personne morale porter plainte. Les services du Premier Ministre se sont donc retranchés vers l'article 40 du code de procédure pénale. Celui-ci permet à "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit" de saisir le procureur de la république. Dans les affaires sensibles, cet article 40 est souvent évoqué. Plutot pour reprocher aux politiques ou aux fonctionnaires de ne pas l'avoir utilisé.

Saisi par Matignon, le parquet a décidé ce matin l'ouverture d'une enquête préliminaire. Il s'agit désormais d'étudier la faisabilité de la poursuite. Constater pour le gouvernement une "Une" visant gravement et salement l'une de ses membres permet-il l'application de l'article 40? A l'issue de cette enquête, le parquet peut classer l'affaire. Ce qui ferait mauvais genre. Il peut ouvrir une information judiciaire, peu probable dans ce genre de délit. Il peut enfin renvoyer "Minute" devant un tribunal correctionnel par citation directe. Pour injure publique à caractère racial, ce dernier encourt 6 mois de prison et une amende de 22 500 Euros.

On connait d'ores et déjà l'axe de défense de l'hebdo. La satire. Mais il ne s'agit pas d'un dessin. Et "Minute" n'est pas "Charlie Hebdo".

 

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Actu