Le cas Hakkar, un détenu libéré après 12 ans d'attente

Son nom ne vous dira rien. Pourtant il est lié à l’histoire de notre justice. La moins glorieuse. Celle qui lui vaut d’être elle-même condamnée.

Abelhamid Hakkar détient un triste record. Il est incarcéré depuis 27 ans. Pour le meurtre d’un policier en septembre 1984 à Avallon. Un crime qu’il a toujours nié. Mais qui lui a valu trois condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sureté de 16 ans. Son premier procès en 1989 devant les assises de l’Yonne a valu à la France une condamnation par la Cour Européenne des droits de l’homme en 1995. A Hakkar avait été jugé en son absence.

Contre son gré, ce franco-algérien de 56 ans est à l’origine d’une création de notre institution judiciaire. Après la décision de Strasbourg, et sous l’impulsion de Jack Lang, a été créée en juin 2000 la commission de réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière étudie l’opportunité de rejuger celui ou celle qui a engendré une condamnation des juges de la CEDH.

Je me souviens avoir vu apparaître dans le box des accusés cet homme qui plaidait sa cause pour obtenir un nouveau procès auprès de cette nouvelle commission présidée alors par Christine Chanet. Il comptait déjà près de quinze ans de détention. Défendu à l’époque par M° Isabelle Coutant-Peyre, il a continué à clamer son innocence, mais ce qui était perceptible c’était une rage, une colère intérieure devant la façon dont la justice et des juges se sont comportés à son égard.

Sans surprise, il a obtenu la possibilité d’être rejugé. Il du pourtant attendre 2003 avant de comparaitre à nouveau devant une cour d’assises. A Nanterre, défendu alors par M° Philippe Sarda. Bénéficiant du double degré de juridiction instauré en 2001, la cour d’assises d’appel à Versailles a confirmé en 2005 sa condamnation.

L’affaire aurait pu en rester là. C’était sans compter l’obstination de l’intéressé et de sa nouvelle avocate, M° Marie-Alix Canu-Bernard. Cette dernière a multiplié les demandes de libération conditionnelle qu’il était en droit de demander. Toutes rejetées. Jusqu’à hier soir. Maître Canu-Bernard a obtenu hier soir une décision favorable du tribunal d’application des peines de Colmar. Celle-ci prendra effet à partir du 20 mars. Celui qui est l’un des plus anciens détenus de France quittera la centrale d’Ensisheim en portant un bracelet électronique. Il travaillera dans une association chargée de la réinsertion de détenus.

C’est un homme écorché qui va retrouver un peu de sa liberté. Ses 27 ans d’incarcération sont d’abord une succession de transfert d’établissements pénitentiaires, de tentatives d’évasion, de mises à l’isolement et de condamnations supplémentaires. En 2006, avec d’autres détenus de la prison de Clairvaux, il a signé un texte réclamant « le rétablissement de la peine de mort », préférable à la perpétuité. « Une mort à petit feu » comme il le qualifiait lui-même dans cette lettre commune.

"Mr Hakkar a la chance d'être entouré, écrit dans un communiqué M° Canu-Bernard, mais que devient celui qui n'a plus personne et qui par définition pendant pres que 30 ans de détention n'a pas fondé de famille ni créé de vie profesionnelle et ne connaît plus rien du monde qui l'entoure et dans lequel il va devoir apprendre à vivre".

A. Hakkar est libérable depuis septembre 2000. La justice a attendu plus de 11 ans avant de lui donner satisfaction. Payerait-il ainsi d'avoir fait condamner, il y a 16 ans, la justice française?

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique