La mort de Maître Philippe Lemaire

Je n’aime pas quand la chronique judiciaire se mue en rubrique nécrologique.

Maître Philippe Lemaire nous a quittés vendredi soir. Je dis, nous, tant il faisait partie de ses avocats qui ont vis-à-vis des journalistes une attention, une bienveillance sans arrière-pensée. Il faisait partie des robes noires pour qui nous avons respect et admiration.

Il émanait de cet homme là une générosité et une humanité qui faisait du bien dans cet univers judiciaire parfois intolérant.

Nous le savions malade depuis qu’il avait été forcé de quitter le procès d’Yvan Colonna qui se tenait pour la troisième fois devant les assises spéciales de Paris.

Il nous était apparu au début des audiences amaigri, mais toujours aussi combattif et déterminé à obtenir une vérité judiciaire qui pour lui ne faisait aucun doute.

Tout au long du procès, ses proches ont tenté de nous rassurer. « Il avait le moral ». En attendant son hospitalisation, il rejoignait de temps en temps son cabinet et suivait quotidiennement l’évolution des débats.

Tout au long de sa carrière, il n’a jamais cherché la publicité, ou à obtenir quelconque bénéfice des causes qu’il défendait. Qu’elle soit celle de la victime ou celle de l’accusé.

Lors des trop rares déjeuners que nous avons eus ensemble, il évoquait ses souvenirs d’affaires criminelles que mes prédécesseurs ont eu la chance de couvrir. De Buffet-Bontemps à Philippe Maurice en passant par le japonais cannibale. Jamais de prétention mais toujours de l’humilité dans les combats qu’il avait menés.

Le barreau était sa vie. Parce que tous se proches portaient la robe d'avocat. Son grand-père. Puis son père qui fût l'un des trois défenseurs du Maréchal Pétain en juillet 45. Une défense, dont son fils rappelait, qu'elle lui attira plus d'ennuis que de satisfaction. Son frère, Jean-Denis Bredin, avec qui il était resté terriblement complice. Son fils Thomas, dont il était très fier. Son épouse, Emmanuelle, qui était plus que sa moitié.

Il pouvait avoir la dent dure contre un de ses confrères ou un haut magistrat. Plus dans le souci de rétablir une vérité que la volonté de régler des comptes.

Au cours de ces dernières années, je l’ai vu avec le même enthousiasme et la même énergie épousé des causes aussi diverses que les affaires politico-financières mettant en cause le PS, les dossiers de santé publique, comme le sang contaminé, les catastrophes aériennes, comme le crash du Mont Saint-Odile, ou la défense du mari de Magali Guillemot, acquitté pour la mort de leur fils Lubin.

Ces dernières années, il avait mis toute son énergie dans l’assistance de la famille du préfet Erignac. En dehors du conseil juridique qu’il fût, il leur apporta soutien moral, affectif, j’allais dire paternel, tant à Dominique Erignac qu’à ses deux enfants.

Le jour du verdict en juin dernier, je lui avais une nouvelle fois un message sur son portable. Non pour évoquer ce qui était l’actualité judiciaire du jour mais parce que je savais qu’il devait être opéré le lendemain.

Sa silhouette, son rire, sa bonne humeur, ses yeux malicieux, sa démarche énergique et déterminée dans les couloirs des palais ou pour aller rejoindre sa moto garée rue d’Harley vont nous manquer. Vont me manquer.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique