De Colonna à Bettencourt, une folle semaine de justice

 

En matière de justice, il ne faut jamais être sur de rien.

 

A ceux qui pensent que les magistrats de la plus haute juridiction cassent rarement les décisions de justice lourdes de symbole, l’arrêt Colonna de mercredi leur donne tort.

 

A ceux qui avancent plein de certitude que la justice est incapable de se déjuger et de reconnaitre ces erreurs, la commission de révision a rendu hier une décision qui les contredit.

 

A ceux qui sont convaincus que les magistrats qu’ils soient du parquet ou du siège appartiennent à la même famille, les derniers soubresauts judiciaires de l’affaire Banier-Bettencourt sonnent comme un démenti cinglant.

 

Enfin à ceux qui pensent que les ténors du barreau mettent essentiellement leur art de la rhétorique qu’au service de leurs clients, l’audience d’hier matin à Nanterre les aurait convaincus du contraire.

 

Reprenons une à une ces croyances.

 

Il existe un postulat écrit dans aucun code et aucun livre de droit.  « Quand la cour de cassation veut casser, elle casse. Quand elle ne le veut pas, elle ne casse pas ». Reconnaissons que mercredi, elle a pris prétexte qu’une audition d’un témoin, pseudo expert de la défense, ne se soit pas passé dans les règles de l’art, pour offrir à Yvan Colonna un troisième procès et infligé à Mme Dominique Erignac une cinquième épreuve. Est-ce un pied de nez à ceux qui l’avait condamné d’avance sans aucune forme de procès ? Est-ce un tacle à l’égard des magistrats qui ont siégé dans la cour d’assises spéciales en appel ? Toutes les interprétations sont possibles. Le soir même, les magistrats qui avaient participé à ce second procès d’Yvan Colonna marquaient le coup. L’entourage des chefs de juridiction de la cour d’appel de Paris ne masquait pas un relatif agacement. Il faut d’abord réorganiser un nouveau procès fleuve. Trouver ensuite de nouveaux magistrats pour composer la nouvelle cour d’assises. 9 juges qui n’ont pas déjà siégé dans les deux précédents procès. Désigner enfin deux nouveaux avocats généraux qui doivent reprendre le dossier à zéro. Jean Claude Kross, l’un des accusateurs du dernier procès, est parti à la retraite le jour même de cet arrêt de cassation. Christophe Teissier, qui était à ses cotés, a rejoint le siège.

 

Enfin pour couronner le tout : Yvan Colonna est redevenu « présumé innocent ». Il est en détention provisoire depuis 7 ans presque jour pour jour. Un temps qui dépasse de beaucoup le délai légal. Jeudi prochain, le tribunal correctionnel de Paris dire s’il le condamne pour détention d’armes. 2 ans ont été requis.

 

Non seulement Dany Leprince voit les portes de la cour de révision ouvertes. Mais les portes de la prison vont s’ouvrir elles aussi le 8 juillet. Une décision rare dans les annales judiciaires. La justice a refusé à Seznec, Omar Raddad,  Jean Marc Deperrois, Mis et Thiennot, la révision de leurs condamnations. En quelques mois, les magistrats de la commission de révision ont ainsi décidé de remettre en liberté Loic Sécher et Dany Leprince en attendant que la cour de révision, dernier étape de la procédure, statue sur leur sort. L’un est incarcéré depuis plus de 7 ans. L’autre depuis plus de 15 ans.

 

Derrière les crispations familiales entre la mère et la fille Bettencourt, il y a les peaux de banane judiciaires que s’envoient Isabelle Prévost-Desprez et Philippe Courroye. La première décide de redevenir juge d’instruction pour un supplément d’information dont elle oublie de définir l’étendue. Le second aussitôt fait appel arguant qu’il a de son coté lancer une enquête. Ambiance. On saura en fin de semaine prochaine si et quand la cour d’appel permet à la juge de commencer ses investigations.

 

Ambiance également délétère du coté des avocats des parties civiles. Assis sur le banc, M° Kiejman et M° Metzner, représentant successivement la mère et la fille, auraient presque pu en venir aux mains si l’audience avait perduré. La tension qui règne entre eux rappelle celle dont nous avions été témoin lors du procès de Vilnius. Le premier était partie civile pour Nadine Trintignant. Le second était assis sur le banc de la défense pour Bertrand Cantat. Assis mais muet. Par un subterfuge procédural qui nous avait échappé, Maitre Georges Kiejman avait obtenu du tribunal lituanien de pouvoir prendre la parole à l’audience, contrairement à son collègue parisien. L’ancien secrétaire d’Etat à la justice s’en était donné à cœur joie face à M° Metzner condamné au silence.

 

A Nanterre, leurs échanges sont électriques, à la limite du pugilat. Pendant ce temps là, François- Marie Banier dessine en attendant qu’on le juge d’abus de faiblesse.

 

 

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique