Kerviel face à une somme de réquisitoires

A la veille du réquisitoire, il est toujours tentant de faire le compte des points gagnés par la défense et la partie civile. Dans le procès de Jérôme Kerviel, les débats n'ont pas évolué dans le sens voulu par le prévenu. Rencontré en fin de semaine dernière chez son éditeur, l'extrader escomptait mettre la banque face à ses contradictions, si ce n'est face à ces mensonges. le visage tendu qu'affichait hier soir M. Kerviel tant à prouver qu'il avait compris que son espoir était un peu déçu.

Si certains espéraient que la confrontation avec les supérieurs hiérarchiques de Kerviel tourne à l'avantage de ce dernier, ils ont très vite déchanté. Le prévenu s'est fait traité de menteur, de fraudeur, de faussaire. Les actes de Kerviel ont été qualifié de "pitoyable, de totalement idiot".

Hier matin les témoins ont justifié la position de la banque qui au lendemain des faits à "déboucler" les positions de Kerviel afin d'éviter la faillite de la Société Générale.

Entendu comme dernier témoin au procès, l'ex PD-G, Daniel Bouton, n'a évidemment ménagé son ex-employé, en reconnaissant d'abord que la première erreur que la banque avait faite était d'avoir engagé un homme au profil psychologique de cet ordre. Peu à l'aise devant les caméras et les micros, M. Bouton a maitrisé plus efficacement le verbe à la barre. " génie malfaisant", "un comportement de fraudeur", "trader dissimulateur", "une catastrophe", "un ouragan force 10". "un génie de la dissimulation et du mensonge", ce qui est débile, c'est le montant de ses positions".

Comme l'a souligné Maître Daniel Richard, avocat de quelques employés de la banque, Daniel Bouton est devenu hier le meilleur communiquant de la Société Générale, lui qui a été forcé de la quitter en 2009. Meilleur communiquant et l'un de ses meilleurs avocats.

Par deux fois, Daniel Bouton a tenté de faire sortir Kerviel de son système de défense. En disant qu'il faisait un rêve, que le prévenu reconnaisse qu'il avait agit seul. "Dîtes pourquoi vous avez fait cela? Pourquoi vous avez failli faire couler une entreprise de 150 000 personnes?" Aucune réponse n'est sorti de la bouche du prévenu.

Jean Michel Aldebert, le procureur, a tenté à son tour. "Je n'ai jamais entendu dans votre bouche les mots de pardon ou d'excuses. Qu'avez vous à nous dire?"

Jérôme Kerviel, fidèle à lui même, répond. "Je regrette. Je reconnais ses fautes encouragées par la hiérarchie".

Après 15 jours de débats où la finance et l'économie ont pris le pas sur l'humain, force est de constater que la situation n'a guère évolué. La banque, souvent sur la sellette, a concédé des défaillances, des négligences mais à surtout martelé qu'elle s'était retrouvée face à une fraude qu'elle n'imaginait pas. Un scénario catastrophe impensable. De son coté, Jérôme Kerviel n'a rien cédé. Une part de responsabilité, pas plus. Même si les débats ont montré tout au long des audiences que les positions prises par le trader dépassait le raisonnable. Le prévenu n'en démord pas. La banque savait et n'a rien fait pour l'arrêter.

Cet après midi, Maître Jean Veil a demandé contre Jérôme Kerviel, 4,9 milliards de dommages et intérêts. L'équivalent de ce que la banque a perdu.

L'avocat de la banque termine sa plaidoirie en s'interrogant sur la personnalité du prévenu. "Il n'est pas fou, puisqu'un expert l'a dit, j'en conviens. Mais enfin…"

Le mystère Kerviel demeure.
 

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique