L'enjeu financier du procès Kerviel

La scène était assez cocasse ce midi sur la place Dauphine, derrière le palais de justice. Une rencontre comme seule la justice sait parfois en offrir. Jérôme Kerviel déjeune avec ses avocats à la terrasse d'une des meilleurs tables de l'endroit. Sa dernière audience de la semaine vient de s'achever. Sortant d'un autre établissement avec ses propres avocats, Jean-Marie Messier. La rencontre n'ira pas plus loin que ce moment que des photographes tentent depuis plusieurs jours d'immortaliser. C'est au tour de l'ex PDG de Vivendi de rejoindre le palais de justice. Dans la même salle des criées, mais devant un tribunal composé autrement, il est lui aussi poursuivi depuis le 2 juin pour des malversations dans le domaine de la finance. Les deux sont accusés d'avoir menti. L'un à ses supérieurs hiérarchiques, l'autre à ses actionnaires. Les faits poursuivis ne sont pas les mêmes mais les deux hommes encourent la même peine: 5 ans de prison et 375 000 euros d'amende. Leur situation salariale est par contre bien différente. L'ex trader déclare au tribunal recevoir une rémunération comme consultant en informatique de 2 300 euros par mois. Messier affiche 10 fois plus à la tête de sa société de conseil. Pour le premier, le parquet a déjà annoncé qu'il demanderait la relaxe. Pour le second, le même parquet ne cache pas son intention de voir Kerviel condamné.

Jérôme Kerviel, qui pour certains, s'est comporté comme un joueur de casino déraisonnable, joue gros dans ce procès. Bien sûr le risque de retourner en prison. Mais aussi, de se retrouver face à une addition vertigineuse. On le sait, la Société Générale lui demande l'équivalent de sa perte: 4,9 milliards d'euros. Ce matin, un autre avocat des parties civiles, 5 employés de la Banque, ont diffusé leur demande. La facture souhaitée s'élève à plus 107 000 euros. Evidemment, c'est le tribunal qui aura le dernier mot en disant d'abord si les plaignants sont dans leurs droits et ensuite à quel niveau doit être chiffré le préjudice.

C'est la raison pour laquelle, les débats depuis mardi sont très tendus entre la défense et la banque. Des deux cotés, il s'agit d'honneur et de gros sous. Plus la responsabilité morale de la Société Générale sera mise en avant, plus la responsabilité pénale et ses conséquences de Jérôme Kerviel pourraient être amoindries.

A l'issue de sa première semaine de procès, Kerviel a au moins marqué un point. Les éventuelles déficiences de la banque occupent autant les audiences que ses propres agissements.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique