Concorde, le procès d'une lamelle et d'un homme seul

 

 

Depuis cet après midi, les avocats de la défense tentent de remonter la pente dans le dossier du Concorde.

 

En fin de semaine dernière, pendant deux jours les deux procureurs, Bernard Farret et Jean Pascal Oualid ont disséqué le dossier comme on passe au peigne gin une carlingue d’avion. Un réquisitoire à deux voies qui se voulait le plus didactique possible. Les pneus, le risque d’incendie, la résistance des réservoirs, tout y est passé. Un plan détaillé point par point que les rares journalistes présents dans la salle d’audience pouvaient suivre sur les écrans de contrôle.

 

Pour le procureur, un seul scénario possible; Concorde a vu son pneu n°2 éclaté et l'un de ses réservoirs prendre feu après avoir roulé sur une lamelle en titane tombée d'un DC10 de la Continental Airlines qui a décollé 4 minutes plus tôt.

 

Dans un réquisitoire fleuve, ce sont toujours les 5 dernières minutes que tout le monde attend: autrement dit le quantum des peines requises.

 

Le parquet a requis des peines de prison avec sursis contre les 2 employés de la Continental Airlines, une peine d’amende contre la société américaine en tant que personne morale, 175 000 euros alors que le maximum est de 225 000 euros. Contre Henri Perrier, le chef du programme Concorde, le procureur a requis la peine de 24 mois avec sursis et 1 000 euros d’amende par contravention. Il a en revanche requis une relaxe contre l’ingénieur qui travaillait avec lui. Il a également abandonné les poursuites contre Claude Frantzen, le directeur de la DGAC, la direction générale de l’Aviation Civile. Principalement pour des raisons juridiques. Son collègue du parquet avait pourtant passé une bonne partie de sa démonstration à souligner les failles de la surveillance des autorités de contrôle. M. Frantzen n’en est pas à son premier procès. Il a déjà été jugé à Colmar pour le crash du Mont Saint Odile alors qu’il occupait les mêmes fonctions. Les juges l’avaient relaxé.

 

Henri Perrier est sorti de la salle d’audience après le réquisitoire en furie. « Je n’accepte pas d’être responsable de cet accident » devait-il lâcher devant les journalistes. On le comprend.

 

Jugée pour avoir perdu une lamelle en titane d’un de ses DC 10, la société « Continental Airlines » est jugée comme personne morale. L’avion Concorde, dont l’accusation pense qu’il a sa part de responsabilités dans le crash est représenté par celui qui a été directeur des essais en vol et dirigeant de son programme. Un point c’est tout. Comme si Concorde avait été fait par un seul homme.

 

A l’issue de ce procès, c’est ce qui choque le plus. La justice a écarté dans la chaîne des responsabilités: le constructeur du supersonique, l’Aérospatiale, aujourd’hui EADS; l’exploitant du Concorde, Air France qui en revanche était sur le banc des parties civiles….Oublié aussi le cofondateur du Concorde, l'Angleterre.

 

Le procureur a lui-même reconnu que le Concorde était certes audacieux mais aussi ruineux. Il a énuméré la mévente des appareils, le cout du prix du kérosène et le mauvais taux de remplissage des avions. Concorde, fleuron de l’aéronautique a volé avec des contraintes financières et politiques. Personne n’avait le courage d’arrêter les frais d’une « formule 1 de 180 tonnes » qui n’était plus rentable.

 

Face aux juges, un seul homme doit donc répondre de la mort de 113 personnes.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique