Le jeu de questions-réponses au procès Viguier

 

C’est le même dossier mais ce n’est pas le même procès qui se déroule depuis lundi à Albi. D’abord, ce n’est pas le même homme qui se présente devant ses nouveaux jurés. Impassible, absent, le regard vide à Toulouse, Jacques Viguier est combattif, déterminé et devenu prolixe.

 

Son entourage explique cette transformation par un changement de psychiatres et de fait de thérapie. L’homme acquitté à Toulouse était groggy de médicaments. Celui qui est rejugé à Albi est en pleine possession de ses moyens.

 

Procès différent ensuite puisque nous l’avions dit ici, l’accusé a changé aussi d’avocat. Alors qu’il est de coutume de ne pas changer une équipe qui gagne, Jacques Viguier a modifié sa défense : M° Eric Dupond-Moretti de Lille et M° Lévy de Toulouse. Curieusement, comme pour le mettre en confiance, le président des assises l’a laissé s’installer aux de ses conseils. Le box est derrière lui. A Toulouse, comparant déjà libre, il avait pris place dans cet espace qui condamne d’avance tout individu. J Viguier a devant lui un micro semblable à ceux des amphithéâtres d’université. Le professeur de droit public est donc mis en confiance.

 

On connait la pugnacité de M° Dupond-Moretti. Rien ne lui fait peur, surtout pas l’affrontement parfois violent avec les magistrats. Celui a débuté dès hier matin quand l’avocat a fait remarquer à François Gaubert, l’avocat général, qu’il est de bon ton lorsque qu’on prend la parole de se lever. Car ce magistrat a la particularité de rester assis lors de ses interventions. Bizarrement, il ne s’est levé que lors de la prestation de serment des jurés. Du jamais vu. L’avocat général a, le reste du temps des audiences, le nez plongé dans ces dossiers, donnant ainsi la désagréable impression de ne pas écouter ce qui se dit à l’audience. Regrettable. Il connait pourtant le dossier puisqu’il soutenait l’accusation à Toulouse. Il avait requis entre 15 et 20 ans pour meurtre. On connait la suite.

 

C’est une des inconnues du procès albigeois. Existera-t-il à nouveau un fossé entre le parquet général et les parties civiles. Ces dernières sont déjà divisées. Les unes pensent l’accusé coupable. Les autres le croient innocent. Maîtres Szpiner et Dubuisson soutiennent que Suzanne Viguier a été victime d’une dispute qui a mal tourné. La peine encourue est alors réduite de moitié. On passe à 15 ans. Rappelons qu’au départ de l’instruction, Viguier, mis en examen pour assassinat, encourait la réclusion criminelle à perpétuité.

 

Changement aussi à 180° du coté du président des assises. Si celui de Toulouse apparaissait plutôt en retrait dans la façon de mener les débats, celui d’Albi a dès le premier jour montré qu’il était le maître des lieux et qu’il ne souhaitait pas être pris en défaut. Ses questions pointues sur l’itinéraire du couple Viguier tend à montrer à l’assistance qu’il connait son dossier sur le bout des doigts. Jacques Richiardi semble même obséder par les dates tant il interroge l’accusé sur celles de naissance des ses parents, de son épouse, la sortie des films d’Hitchcock, un des cinéastes préférés de Jacques Viguier. L’audience se mue en un authentique Quizz entre « Monsieur Cinéma » et « Réponse à tout ». Derrière ce jeu de questions réponses, on sent de la part du magistrat une volonté de mettre à l’épreuve l’accusé. Après la naissance de leur premier enfant, le couple Viguier a perdu un enfant à la naissance. Mort-né, il a été déclaré à l’état civil le 30 avril 91 sous le prénom de Romain. Alors le président des assises qui visiblement s’est constitué des petites fiches interroge l’accusé avec malice. « Vous connaissez la date de la Saint Romain ? » Viguier sèche. Satisfait, le président donne la réponse. « C’est le 28 février ». Suzanne Viguier a disparu le 27 février.

 

Le 20 mars, les 15 jurés de la cour d’assises du Tarn auront à répondre à d’autres questions : coupable ou innocent ?

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique