Seznec acquitté sur les planches

 

Robert Hossein, le metteur en scène, nous le confiait lors du reportage que nous avions effectué fin janvier. Il le redit tous les soirs en montant sur scène avant la levée de rideau. « Seznec, le procès impitoyable » n’est pas une pièce de théâtre.

 

Pendant près de deux heures la troupe nous fait revivre le procès de Guillaume Seznec, tel qu’il s’est tenu devant la cour d’assises du Finistère entre le 24 octobre et le 4 novembre 1934.

 

Les deux auteurs se sont inspirés du dossier qui a été retrouvé par un avocat, puisque l’original des pièces a brûlé lors de l’incendie du Parlement de Bretagne à Rennes en 97. Ils ont également puisés dans les comptes rendus des journaux d’époque.

 

Ainsi défile sur scène une dizaine de témoins. La plupart à charge. Lors de l’entracte, les spectateurs que l’on a placé dès le début de la représentation dans la peau des jurés d’un soir, sont appelés à voter. Coupable ou innocent. Depuis le 24 janvier, date de la première représentation, Guillaume Seznec est acquitté. Tous les soirs.

 

Dans le passé, Robert Hossein a monté d’autres procès au théâtre. Marie Antoinette fût  souvent acquittée, parfois envoyée en exil et une seule fois guillotinée. Le soir de Noël. Résultat, la comédienne Caroline Silhol s’est évanouie à l’énoncé du verdict.

 

Pourquoi aujourd’hui le verdict des spectateurs du Théâtre de Paris est-il à l’opposé de celui des jurés de Quimper. D’abord parce que depuis des années, le combat du petit fils du condamné, Denis Seznec, a donné corps à cette possible erreur judiciaire. Ensuite, le procès tel qu’il est retracé sur scène insiste sur la manière dont le président de la cour d’assises du Finistère a mené les débats uniquement à charge. Par un réflexe naturel, le spectateur-juré ne peut qu’acquitter l’accusé. Une sorte de réhabilitation posthume. Un pied de nez à la justice.

 

Car si tous les soirs, Guillaume Seznec est reconnu innocent par le public, les hauts magistrats de la cour de révision ont rejeté en décembre 2006 une ultime demande de réhabilitation.

 

Paradoxe. Aux yeux d’un jury populaire des assises, aux yeux des juges, Seznec est coupable du meurtre de son ami, Pierre Quémeneur. Aux yeux d’un jury de théâtre, il est innocent. Seznec condamné au bagne coté cour d'assises. Seznec blanchi coté cour sur scène.

 

Question. Les verdicts se font-ils dans des cours d’assises ou des salles de spectacle ? Où est la vérité ? La justice est rendue au nom du peuple français ? Quel jury populaire  détient la vérité entre les jurés et les spectateurs?

 

Après Seznec, Robert Hossein envisage de récidiver avec le procès de Simone Weber, acquittée en 91 pour le meurtre de son faux mari Marcel Fixard mais condamnée à 20 ans de réclusion criminelle pour celui de son amant Bernard Hettier.

 

Si par ses spectacles, Robert Hossein donne envie à son public d’aller voir un authentique procès, à accomplir son devoir de juré, alors cela ne sera que justice.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique