Des journalistes au dépôt?

Il y a des décisions de justice qui sonnent comme une auto-protection.

Mercredi, la cour d'appel de Paris a considéré que l'insalubrité d'un dépôt ne pouvait justifier l'annulation d'une procédure. On sait qu'il en faut plus pour faire voler en éclats un dossier. La cour d'appel vient pourtant d'infirmer une décision de première instance. Le tribunal de Créteil avait estimé que les conditions de détention constituaient "un traitement inhumain et dégradant". Les juges d'appel ont seulement considéré que "le fait, pour un prévenu, de passer la nuit dans une cellule insalubre et froide, en respirant des odeurs nauséabondes, peut être de nature à amoindrir ses capacités physiques et intellectuelles, et à nuire à l'exercice des droits de la défense". Une reconnaissance qui n'engage à rien.

Régulierement durant leurs auditions devant les juges ou devant les juridictions de jugement, prévenus et accusés se plaignent des gardes à vues mais aussi de leurs conditions de détention dans le dépot ou dans la souricière.

A Paris, le dépôt est administré par la préfecture de police. C'est l'ensemble des cellules dans lesquelles attendent ceux qui doivent comparaître devant un juge, un policier ou qui vont être jugés en comparution immédiate.

La souricière est elle sous l'autorité de l'Administration Pénitentiaire. Elle est le passage obligé de ceux qui vont être jugés. 

Lors du procès d'Antonio Ferrara, cet automne, des accusés se sont révoltés contre leurs conditions de séjour dans les sous-sols du palais de justice. Un vif incident à l'audience qui a amené la présidente de la cour d'assises à organier à la va-vite une visite dans les geôles et les couloirs de ces bas-fonds judiciaires.  Puanteur, crasse, moisissures, petitesses des cellules, humidité, impropreté, graffitis....sont les mots qui reviennent régulièrement dans la bouche de ceux qui y sont passés.

Le 23 avril dernier, le Bâtonnier de Paris, M° Christian Charrière-Bournazel, a appelé les avocats de son barreau à plaider systématiquement la nullité des procédures en se basant sur l'insalubrité du dépôt du TGI.  Le 6 mai, il a mis son souhait à éxécution. Il a lui même plaidé cet argument devant la 23 ème chambre, spécialisée dans les comparutions immédiates. "Il y a des moments où il est impossible de s'accomoder d'une réalité déshonorante" a déclaré le premier des avocats de Paris. Conséquence, un magistrat a été désigné pour établir un rapport sur les conditions de détention dans les sous-sols du Palais. Une demi victoire pour les avocats.

A part quelques magistrats, quelques avocats, quelques policiers, quelques jurés, rares sont ceux qui ont pu constater sur place la réalité de ce qui se dit sur ce lieu tenu secret. Ce "ventre de Paris" si révoltant.

Hier, en qualité de membres du bureau de l'Association de la Presse Judiciaire, nous avons demandé à Laurent le Mesle, Procureur Général de Paris, de plaider en leur faveur auprès des autorités compétentes pour pouvoir se rendre sur place afin d'apporter à leur tour leurs témoignages

Nous verrons si la justice fait cette fois-ci acte de transparence..

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique