Plaidoyer pour un juge "par qui le scandale est arrivé"

Cet après-midi, Fabrice Burgaud a retrouvé un léger sourire. Depuis le début de la semaine, la présence dans la salle de son épouse, de son frère, représente, comme pour toute personne jugée, un soutien indéniable. Chaque jour également, des magistrats viennent s'installer sur les bancs réservés au public. Ils profitent d'une suspension d'audience pour venir saluer l'ancien juge d'instruction. 

Fabrice Burgaud visiblement plus détendu aussi parce que la tonalité est tout autre. Hier, il était de bon ton de l'accabler, de le pointer du doigt, de crier avec les loups. Aujourd'hui, le vent a tourné. Lundi sur France 2, Alain Marécaux, redevenu huissier de justice, acquitté au procès en appel à Paris, déclarait: "Burgaud pas sanctionné, c'est une injustice mais Burgaud seul sanctionné, c'est une autre injustice". Ce matin dans le Figaro, Maître Eric Dupond-Moretti, avocat d'une des acquittés d'Outreau, signe une tribune intitulée "Fabrice Burgaud, la quatorzième victime d'Outreau?".

Devant le Conseil, le discours est identique. Hier, l'ancien président du TGI de Boulogne sur Mer a dénoncé ce qu'il appelle la "légende noire" du juge. Le chef de juridiction a demandé à la formation disciplinaire de se transformer en "commission de réhabilitation" à l'égard de son ancien juge d'instruction. Odile Mondineu-Hederer qui a présidé la cour d'assises d'appel a déclaré, comme elle l'avait d'ailleurs fait devant les rapporteurs du CSM, que le juge Burgaud avait accompli dans ce dossier plus d'investigations que de coutume.

Même défilé d'éloges cet après-midi. Laurence Le Vert, vice-présidente chargée des affaires de terrorisme, a connu le juge Burgaud après que celui ai quitté Boulogne pour prendre ses fonctions de parquetier à la section anti-terroriste de Paris. Elle parle d'un magistrat "très efficace, au contact agréable, réfléchi, intelligent". "Il a appréhendé très rapidement les procédures qui appartiennent pourtant à une matière spécialisée ardue" précise ce magistrat. Christophe Régnard, actuel président de l'Usm, lui succède. Son intervention n'a rien d'un discours de syndicaliste. C'est le praticien qui parle et qui rapporte son propre vécu, sa propre expérience de magistrat instructeur. Très calmement, Ch Régnard avoue que plusieurs griefs qui sont fait à son collègue Burgaud pourraient lui être aussi adressés. "Moi aussi, je l'ai fait. Ce sont des pratiques courantes, précise-t-il, rendues nécessaires par des contingences matérielles. Vous ne pouvez pas le sanctionner pour ce qui ne sont que des activités juridictionnelles". "Ce n'est pas du corporatisme, ajoute le président de l'USM, c'est une volonté de justice. Il n'est pas possible qu'un seul homme et qu'une seule fonction soient visés".

Jean-Claude Marin, actuel Procureur de la République, ferme le défilé de témoins de la défense. Il est le supérieur hiérarchique du magistrat accusé. "Consciencieux, très bon juriste, excellent magistrat, ayant une plume de qualité, aux écrits fiables et précis, prêt à rendre service, faisant preuve de discernement". M. Marin ne tarie pas d'éloges pour l'un de ses hommes. Jean Claude Marin salue même le courage de son magistrat chargé aujourd'hui de l'éxécution des peines au parquet. "Son nom est parfois difficile à porter en audience" laisse tomber le haut magistrat. Il précise même que Fabrice Burgaud aurait du apparaître au tableau d'avancement afin qu'il accède au 1 er grade. "Compte tenu de la procédure disciplinaire pendante, nous avons appliqué, précise le Procureur, une tradition qui consiste à sursoir à cette demande.

Il est 16 h 30 . L'audience est suspendue. Le CSM est pris entre deux feux. La situation est surréaliste. On pourrait presque en rire si il n'y avait pas eu tant de drames dans cette affaire. Demain, la Chancellerie va surement demander une sanction à l'encontre du juge Burgaud. Aujourd'hui, le Procureur de la République de Paris, annonce publiquement qu'il réclame une promotion pour le substitut Burgaud.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique