La peine des accusés n'efface jamais la peine des victimes

Le verdict rendu hier en fin d'après-midi par la cour d'assises des mineurs à Créteil l'a été dans un climat de tension assez rare.

D'abord parce qu'il concernait au premier chef  trois jeunes adolescentes. Juste avant que la cour ne fasse son entrée, leurs avocats ont passé un long moment à les préparer à cette épreuve. M° Francoise Cotta a tenu la main de sa cliente pendant la lecture du verdict. Une autre avocate enlassait fermement la plus jeune des trois accusées. Quelques minutes après, l'une d'entre elles devait tomber dans les pommes. Toutes trois comparaissaient libres. Toutes trois avaient effectué 6 mois de détention provisoire. Toutes trois savaient que la condamnation ne faisait aucun doute. Toutes trois étaient convaincues qu'elles allaient reprendre le chemin de la prison. La seule question était de savoir pour combien de temps. L'avocate générale, Isabelle Salion, avait requis des peines allant de 4 à 8 ans. Les jurés allaient-ils la suivre? Etre plus sévère? La réponse est tombée quelques minutes avant 19 heures, après 7 heures de délibéré. 4 ans ferme pour celles qui ont mis le feu dans la boite aux lettres. 3 ans ferme pour celle qui les a assistées. Toutes trois sont condamnées en plus à un an de prison avec sursis et 3 ans de mises à l'épreuve, autrement dit obligation de domicile, de travail et de dédommager, dans la mesure de leurs possibilités, les victimes.

Les trois jeunes filles ont quitté la salle d'audience escortées par les policiers. L'une d'elles s'est retournée pour dire "au revoir" à sa famille. Elles n'ont pas été menottées en public. Compte tenu des remises de peine, elles peuvent faire une demande de libération conditionnelle dans un an et demi.

Un cordon impressionnant de police avait pris place dans la salle d'audience avant la lecture du verdict. 30 policiers se tenaient prêts à intervenir en cas de débordement du coté des parties civiles.

Leurs réactions après le réquisitoire laissaient présager que le verdict fusse mal accueilli. Ce fut le cas. Des cris, des applaudissements narquois, des hurlements, des invectives lancées aux jurés: "Vous nous achevez". "Vous libérez des criminels". C'est malheureusement le lot commun de ce genre de procès. Il y a toujours un décalage énorme entre l'attente des victimes et la réponse judiciaire. On assiste au même mécontentement, à la même désapprobation lors des jugements de dossiers concernant les catastrophes accidentelles. Les prévenus y sont condamnés le plus souvent à des peines de prison avec sursis. Ce que ne peuvent admettre ceux qui ont perdu un être cher.

Il est  vrai qu'au regard du code pénal, l'accusée majeure à Créteil encourait la réclusion criminelle à perpétuité, et celles qui étaient mineures au moment des faits une peine de 20 ans, si application de l'excuse de minorité était appliquée. Ce qui fut fait hier.

Durant le procès, la défense n'a eu de cesse de répéter que les trois incendiaires n'avaient jamais eu une intention criminelle et encore moins envisagé les conséquences dramatiques de leur "bêtise". Une partie des débats s'est focalisée sur les manquements aux normes de sécurité en matière d'incendie dans la tour n°2 de l'Haÿ-les-Roses. Des arguments que ne peuvent entendre, on peut le comprendre les proches des 18 morts et 28 blessés.

Dans quelques semaines, la quatrième jeune fille devrait comparaître devant le tribunal des mineurs du Val-de-Marne. Elle avait 14 ans au moment des faits.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique