Le Berger de Castellar, un procès pile ou face

Après le procès Ferrara (cf précédent blog), c'est celui de l'assassinat du berger de Castellar qui risque de faire date. Car l'audience qui s'est ouverte hier devant la cour d'assises des Bouches du Rhone est en soi elle aussi une première. Deux précédentes cour d'assises ont sucessivement à Nice acquitté l'oncle et le neveu d'une même famille.

Lors du procès de 2002, Alain Verrando, qui depuis le début de l'enquête était pointé du doigt comme étant le tireur, n'est plus devenu le suspect n°1. Une situation qui n'a pas empêché l'accusation de requérir contre lui 20 ans de réclusion criminelle. Mais les regards du ministère public ne sont tournés vers son neveu, Jérome. L'oncle avait comme principalement élément à charge des traces de résidus de tir sur ses mains. Eléments qui depuis ont été abandonné, compte tenu qu'il n'y a rien de surprenant à trouver de telles traces chez un chasseur. Le neveu avait contre lui d'avoir proféré des menaces contre la victime quelques jours avant les faits. Le même avocat général dans un second procès qui s'est tenu en 2007 a requis contre le second accusé 15 ans de réclusion criminelle.

Résultat des deux procès espacés de 5 ans:  2 acquittements et une question sans réponse pour la famille de la victime. Qui a tué le berger?

Un an et demi plus tard, tout le monde se retrouve dans la même cour d'assises à Aix. Suite à un arrêt de la cour de cassation et à une décision administrative du président de la dite juridiction, les 2 accusés sont jugés en appel. Ensemble. Une première qui selon Maître Paul Lombard, avocat d'Alain Verrando, est contraire aux dispositions prévues par l'art 380-1 du Code de procédure pénale. Cet article prévoit que la juridiction d'appel "procède au réexamen de l'affaire" dans les mêmes conditions qu'en première instance. Or les deux hommes ont été jugé séparement. Le second accusé  avait alors le statut de témoin dans le procès du premier. Et vice versa. Ici, plus de témoin mais deux hommes qui encourent à nouveau la perpétuité.

Chaque avocat y va de son qualificatif. Maître Gérard Baudoux parle "d'ovni judiciaire". Paul Lombard d'un "Titanic du droit pénal". Pour M° Eric Dupond Moretti, après l'absence d'avocats au procès Ferrara " on n'est plus géné par rien par les temps qui courent".

Roland Mahy, l'avocat général reconnait lui même que la situation est inédite. " Je comprends, j'adhère à vos remarques" répond-t-il aux conseils de la défense mais pour le magistrat "cette situation a été voulu par la cour suprême de notre pays et elle s'impose à nous".

Il n'y a que les avocats de la partie civile, M° Collard et Martial, pour se satisfaire de ce procès unique. Pour eux, la vérité peut jaillir de la confrontation entre les deux accusés.

Pour agrémenter le tout, les avocats d'Alain Verrando soulignent que dans ce procès à deux têtes, ils ne disposent que de leur seul dossier d'instruction et pas de celui de l'autre accusé.

En rappelant cet état des lieux hier lors de la première audience, il était question pour les avocats de la défense d'obtenir un donner acte. Un moyen de droit qu'ils peuvent utiliser en recours devant une autre juridiction, comme la cour européenne des droits de l'Homme. Si Strasbourg leur donnait raison, ils pourraient alors saisir la commission des rééxamens d'une décision pénale.

Alors que penser de ce procès que Maître Dupond-Moretti compare à un bonneteau judiciaire tant les jurés ont désormais le choix entre deux hommes d'une même famille pour tenter de mettre un nom sur le tireur? Pour ceux qui l'ignorent encore, les faits qui sont jugés remontent au 17 août 1991. Alors faut-il parler d'une avancée du droit? Ou plutot d'une tentative de sauvetage d'une procédure qui dérape depuis 17 ans?

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique