Olivier Besancenot dans la cible du Taser

L'audience qui s'est ouverte cet après midi devant la 17 ème chambre correctionnelle de Paris devait être un face à face tendu entre Olivier Besancenot et Antoine Di Zazzo, PDG de la société qui commercialise en France le Taser. Ce dernier a été mis en examen jeudi dernier pour avoir, avec 6 autres personnes, tenter de mener à bien une opération d'espionnage dans le but probable de déstabiliser le leader de la Ligue Communiste Révolutionnaire. Ils devaient tous deux se retrouver aujourd'hui devant des juges puisque le second poursuit en diffamation le premier. L'explication de texte entre les 2 ennemis du moment n'aura pas lieu. Antoine Di Zazzo s'est fait représenté par son avocat. Un problème de calendrier ou un manque de courage? On ne le saura jamais.

Olivier Besancenot en revanche est venu avec du renfort: Alain Krivine, figure historique de la LCR, et Arlette Laguillier, figure tout aussi historique de Lutte Ouvrière, qui ne resta pas à l'audience plus d'une demi-heure, le temps de se faire photographier et filmer par une presse audio-visuelle exceptionnellement nombreuse pour un procès en diffamation.

Audience exceptionnelle également car le tribunal n'est saisi que du contentieux civil entre les deux parties. Résultat, une procédure qui se déroule en l'absence de tout représentant du parquet. Le poursuivant demande contre Olivier Besancenot la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts.

L'empoignade attendue a donc laissé place à un débat sur la dangerosité éventuelle du Taser qui équipe aujourd'hui nombre de formations de policiers, y compris municipaux, et de gendarmes. Plus de 4 500 Taser seraient en service actuellement.

Trois témoins se sont succédés à la barre. Le premier, cité par Besancenot, comédien de formation, membre d'Amnesty International, se base sur des chiffres provenant des Etats-Unis et selon lesquels plus de 290 cas recensés se seraient avérés mortels. Non seulement, selon ses dires, le pistolet est létal mais il peut s'apparenter à un "appareil de torture". Le deuxième témoin, cité lui par la partie civile, est un docteur en pharmacie. Ses conclusions penchent pour une innocuité de l'arme . Mais interrogé par M° Antoine Comte, avocat d'Olivier Besancenot, il est forcé de reconnaître qu'il n'a aucune connaissance clinique et expérimentale pour fonder sa thèse.

Le dernier témoin est urgentiste. Clairement et fermement, il explique que dans la littérature médicale française, il n'a pas été démontré pour l'instant une causalité entre le Taser et un accident cardiaque. Et pour convaincre le Tribunal, le médecin qui se défend d'être "le directeur commercial  ou le directeur de communication de Taser", lance en guise de conclusion: "Il vaut mieux prendre un coup de taser qu'un coup de 357 Magnum".

Il faut néanmoins rappeler que le Ministère de l'Intérieur dans une circulaire avance 5 préconisations dans le maniement de la dite arme: Eviter tout usage à l'encontre de personnes présentant une excitation marquée, sous l'emprise de stupéfiants, d'alcool, sujettes à des troubles cardiaques ou enceintes. Autrement dit, les policiers doivent demander le carnet de santé avant de tirer.

M° Noël Mamère, qui a rejoint récemment le barreau, tente un parallèle avec une affaire vieille de 22 ans que visiblement le médecin-témoin n'a pas en mémoire. C'est à la fois le jeune avocat et l'ancien journaliste qui parle. Noël Mamère évoque le cas de Malik Oussekine. Le jeune homme qui participait à une manifestation contre la loi Devaquet le 6 décembre 1986, est décédé dans le hall d'un immeuble de la rue Monsieur le Prince dans le Quartier Latin. Après l'avoir pris en chasse, deux policiers voltigeurs l'ont poursuivi puis violemment matraqué. Le jeune homme qui souffrait de déficience rénale est mort le soir même à l'hopital Cochin. En janvier 90, les deux policiers ont été condamnés par la cour d'assises de Paris à 2 et 5 ans de prison avec sursis pour "coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

"Dans le meilleur des cas, il y a doutes. Dans le pire, le Taser peut tuer". Voici une des 2 phrases prononcées par Olivier Besancenot qui lui vaut ce procès. Est-ce diffamatoire? Le tribunal le dira le mois prochain.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique