Le mensonge est-il criminel?

Ils se sont obstensiblement ignorés. La scène se passait hier après midi sous les dorures de la chambre criminelle de la cour de cassation. Assis aux cotés de leurs avocats Maître Hervé Temime et M° Anne Sevaux, Mme Renée Le Roux et son fils Jean Charles. Debout au fon de la salle, les deux fils de Maurice Agnelet, Thomas et Guillaume. Il ne s'agissait pas d'un nouveau procès. Mais au contraire d'en éviter un troisième pour les premiers cités. Et d'en obtenir un autre pour les seconds.

Acquitté par les jurés niçois, Maurice Agnelet a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle par ceux d'Aix. Le dossier était évidemment le même mais la lecture en avait été différente. C'est l'enjeu, le risque de la procédure d'appel en matière criminelle. Jusqu'aux années 2000, une condamnation ou un acquittement prononcés par une cour d'assises était définitive si elle n'était pas remise en question par la cour de cassation, uniquement sur un problème de droit. La loi "Guigou" de décembre 2000, a permis le double degré de juridiction. Seulement en cas de condamnation. C'était la deuxième chance offerte à l'accusé. En 2002, le texte a été retouché permettant au parquet de faire appel d'un acquittement. La deuxième chance pour l'accusation. C'est ce qui s'est passé entre Nice et Aix.

Agnès le Roux, fille de la propriétaire du Casino niçois le Palais de la Méditérranée, disparait pendant le week end de la Toussaint 1977. On ne l'a jamais revu. Ni elle. Ni sa voiture. Maurice Agnelet, avocat radié, était son amant et devait l'accompagner durant un voyage dont la destination demeure inconnue. Il a toujours nié être mélé d'une quelconque façon à cette disparition. Inculpé en 83. il a bénéficié d'un non lieu en 85. Rattrappé par la justice en 2003, il est passé aux yeux de la justice de statut d'innocent à celui de coupable en un an.

Hier, il ne s'agissait pas de replaider le dossier mais de s'interroger sur la régularité des débats du second procès. Pour les avocats de Maurice Agnelet, M° François Saint Pierre et Didier Bouthors, huit motifs, huit "fautes" justifieraient un nouveau procès. Ils reprochent principalement au Président de la cour d'assises d'Aix et à ses deux assesseurs d'avoir manqué d'impartialité. Saisis durant les débats d'un contentieux par la défense, la cour a évoqué dans son arrêt " les déclarations mensongères de Maurice Agnelet et de François Lasseure" (son ex-épouse"). Pour la défense, cela représente un préjugement puisque l'accusation elle même se base sur les mensonges de l'accusé pour le considérer coupable du crime. Maître Georges Kiejman, avocat de la famille Le Roux à Nice, avait lui parlé d'un "Agnelet "capable de", au regard de son comportement avant et après la disparition de la jeune femme. Aujourd'hui encore, M° Sevaux pour la partie civile évoque une "logorrhée de mensonges" de la part de Maurice Agnelet.

C'est toute la difficulté de cette affaire. Pas de cadavre, comme dans le dossier Seznec. Pas d'arme du crime. Pas de scénario précis de la scène de crime. Mais une multitude d'éléments qui ne plaident pas en faveur de l'accusé: son comportement, le transfert d'argent d'Agnès sur son compte, des écrits, des objets appartenant à Agnès retrouvés chez lui et ses mensonges.

L'avocat général a requis le rejet du pourvoi. La cour rendra son arrêt le 15 octobre. 31 ans après les faits.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique