Une affaire de sperme contaminé

Non, l’activité judiciaire ne s’arrête pas durant les vacances d’été ! Je vous déconseille en passant d’évoquer le concept de « vacances judiciaires » devant un juge des enfants, qui passe invariablement juillet et août à abattre la même masse de travail que d’habitude en y ajoutant les urgences de ses collègues vacanciers. Bref.

La justice pénale n’est pas en congés non plus, ainsi que l’a démontré la récente mise en examen d’un jeune homme pour administration de substances nuisibles, après avoir transmis le virus du sida à sa compagne. Selon les éléments de renseignements publiés dans la presse, l’individu aurait caché sa séropositivité à la malheureuse jeune femme, alors qu’il se savait contaminé depuis plusieurs années.

Compte tenu des faits évoqués, la question de leur qualification adéquate pouvait se poser dans la mesure où infractions étaient susceptibles de trouver application : l’empoisonnement  et l’administration de substances nuisibles.

L’empoisonnement est un crime prévu par l’article 221-5 du code pénal : « Le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement ».

Cette infraction nécessite donc l’administration d’une substance mortelle avec l’intention de tuer, sans que le décès de la victime ne soit imposé pour retenir cette qualification (ce qui signifie d’ailleurs que la tentative d’empoisonnement n’existe juridiquement pas).

La Cour de cassation a cependant déjà eu l’occasion d’écarter cette qualification dans des cas similaires, en considérant que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffisait pas à caractériser l'intention homicide indispensable à la qualification de l’infraction.

C’est dans ces conditions que les juridictions d’instruction et de jugement ont pris coutume de faire application des dispositions légales portées à l’article 222-15 du code pénal, qui concerne « L'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui ».

On peut toutefois objecter que le VIH contenu dans les fluides corporels du mis en cause, en l’occurrence, n’est pas seulement une substance nuisible mais une substance potentiellement mortifère, compte tenu de l’absence de vaccin, des difficultés liées à sa prise en charge thérapeutique et de son caractère incurable.

Les peines susceptibles d’être prononcées renvoient aux articles du code pénal réprimant les actes de violences volontaires et dépendent notamment du préjudice causé. Il peut éventuellement être retenu, s’agissant d’une contamination par le VIH, une infirmité permanente. Dans l’hypothèse où la commission de tels faits s’avérerait préméditée, une peine maximale de 15 ans de réclusion pourrait être prononcée par la Cour d’assises.

Pour terminer, je souhaiterais citer Me Eric Morain qui, sur Twitter, évoquait de façon particulièrement juste le préjudice des victimes de ce type de faits qu’il avait eu l’occasion de défendre en soulignant qu’une personne victime de violences ou de viol pourrait se raccrocher, pour se reconstruire, à l’idée de n’avoir pas consenti. Les victimes de cet « abus de confiance intime », qu’il qualifiait de « fracassées », ne peuvent pas même s’agripper à pareille bouée.