Après le PenelopeGate, le PNFGate ?

Aujourd’hui, les avocats de M. et Mme Fillon ont laissé entrevoir en conférence de presse une partie de leur stratégie de défense. Ils ont notamment précisé qu’ils remettaient en cause la compétence du parquet national financier et sollicitaient qu’il se dessaisisse de l’enquête portant sur les soupçons de détournements de fonds publics dans le cadre d’emplois fictifs évoqués autour de la famille Fillon.

Pierre Cornut-Gentille, avocat de Penelope Fillon, et Antonin Lévy, conseil de François Fillon, le 9 février 2017 lors d\'une conférence de presse organisée à Paris.

Le parquet national et financier (PNF) a été créé par une loi du 6 décembre 2013 et sa compétence est prévue par les dispositions des articles 705 et suivants du code de procédure pénale. L’article 705 précise notamment que le procureur de la République financier est compétent, en concurrence avec le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence ou du lieu d'arrestation de l'une des personnes soupçonnées, pour la poursuite d’un certain nombre d’infractions dont le délit prévu à l’article 432-15, à savoir le détournement de fonds publics par une personne dépositaire de l’autorité publique, par une personne en chargée d’une mission de service public ou par un comptable public.

C’est donc sur le fondement de ces textes que le PNF a ouvert une enquête préliminaire concernant les faits dénoncés par le Canard Enchaîné relatifs aux soupçons d’emplois fictifs qui occupent le devant de la scène depuis deux semaines.

Les avocats du couple Fillon affirment que dans la mesure où M. Fillon, en qualité de parlementaire, n’était à l'époque des faits ni dépositaire de l’autorité publique, ni chargé d’une mission de service public ni comptable public, il ne relèverait pas des dispositions en cause et ne permettrait pas au PNF de diriger cette enquête.

Cet argument, qui est juridiquement intéressant, est toutefois en l’état totalement inefficace compte tenu de la nature de la procédure actuellement ouverte. Il s’agit en effet d’une enquête préliminaire, nullement contradictoire, dont quelques avocats qui me sont proches affirment sans hésiter qu'elle ne permet pas aux personnes soupçonnées d’exercer réellement les droits de la défense ; dans ces conditions, les conseils de M. Fillon ne peuvent actuellement soulever cette incompétence devant quelque juridiction que ce soit, faute de saisine d'un juge d'instruction ou d'une juridiction de jugement qui signerait le passage à une procédure dominée par le principe du contradictoire (qui suppose que chaque partie puisse répondre aux arguments adverses et avoir connaissance de l'ensemble des éléments de preuve en cause).

M. Fillon et son épouse ne pourront contester l’intervention du PNF que lorsqu’ils deviendront partie à la procédure, soit dans le cadre d’une instruction judiciaire par le biais d’une mise en examen (ce qui leur ouvrira la possibilité de saisir la Chambre de l’instruction d'une requête en nullité), soit dans le cadre de poursuites directes devant le Tribunal correctionnel en qualité de prévenus.

S’agissant du fond de cet argument, la jurisprudence de la Cour de cassation précise que « doit être regardée comme chargée d’une mission de service public, au sens de l’article 432-12 du code pénal, toute personne chargée, directement ou indirectement, d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique ».

Il me semble qu’un député relève d’une telle définition, le statut de l’Assemblée Nationale, par exemple, définissant les parlementaires comme représentants de l’intérêt général.

En tout état de cause, nous devrions un jour ou l'autre être fixés sur cette question : nul doute que la Cour de cassation soit amenée à se prononcer tôt ou tard sur ce dossier.