Veaux, vaches, blé et loyer : F. Fillon et ses fermiers.

Chaque jour apporte en ce moment son lot d'informations nouvelles sur M. Fillon, sa vie politique ou privée, son oeuvre et son patrimoine. L'une des dernières livraisons du Canard Enchaîné publie divers éléments relatifs aux revenus de M. Fillon, notamment aux conditions de mise en location de certains terrains dont il est propriétaire.

François Fillon, lors de son meeting à Charleville-Mézières, le 3 février 2017.

Selon cet article, l'intéressé serait propriétaire d’une ferme attenante à son château, ainsi que de 7,2 hectares de terres. Ces terres seraient données à bail à un couple de fermiers, le contrat prévoyant le versement aux propriétaires des terres à titre de loyers de "21 quintaux de blé tendre de qualité saine, loyale et marchande et 218 kilos de viande de bœuf de première qualité, poids vif".

On imagine aussitôt le couple de fermiers livrant au candidat à la présidentielle 2,1 tonnes de blé, ainsi que 218 kg de viande bovine, à charge pour M. Fillon de les stocker et de les écouler, entre deux meetings et distributions de tracts. Du moins M. Nicolas Thibault, président de l'association française des assistants parlementaires, a-t-il dû se figurer ainsi les loisirs champêtres de M. Fillon, si l'on doit en juger par son regard stupéfait sur le plateau de l'émission "Arrêt sur images", le 3 février 2017, et son évocation spontanée de pratiques qu'il croyait réservées à l'époque médiévale. La réalité est probablement moins pittoresquo-croquignolette, le candidat LR n'ayant a priori guère le temps de baguenauder dans les pâturages.

Si, selon l'article L. 411-11 alinéa 3 du code rural, « le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative », la suite de cet article prévoit un régime dérogatoire, selon lequel « le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative ».

En d’autres termes, l’évaluation du loyer peut être réalisée en produit brut, à charge de faire procéder à la conversion en monnaie.

Un tableau issu de divers arrêtés du préfet de la Sarthe permet en conséquence d’établir le prix du fermage des terres de M. Fillon en euros.

M. Fillon ne reçoit vraisemblablement donc pas de bonne réserve de viande et de blé à titre de loyer, mais son équivalent monétaire.

La situation aurait pu être autre si le contrat en question avait été un bail à métayage, prévu par l’article L. 417-1 du code rural par lequel « un bien rural est donné à bail à un preneur qui s'engage à le cultiver sous la condition d'en partager les produits avec le bailleur », le maximum du loyer étant fixé à un tiers de la production.

Le bailleur perçoit dans ce cas directement une partie de la production en nature, sans conversion en monnaie.

Ces dispositions légales au charme quelque peu suranné vous paraissent arides ? Sachez qu'elles constituent le pain quotidien des tribunaux paritaires des baux ruraux, juridictions composées de juges d'instance et d'échevins représentant bailleurs et preneurs qui surfent sur le code rural avec une technicité que bien des juristes leur envient. Près de chez vous et aujourd'hui, si si.