Stupeur et tremblaysiens

Dans un registre différent mais parallèle aux arrêtés anti-burkini qui nous auront occupé durant tout le mois d’août, deux femmes voilées se sont plaintes, voilà quelques jours, d’avoir été victimes de discrimination de la part d’un restaurateur à Tremblay-en-France (93). Celui-ci aurait refusé de les servir en  précisant « Madame, les terroristes sont musulmans et tous les musulmans sont terroristes. Cette phrase veut tout dire, analysez-la », ajoutant « des gens comme vous, je n’en veux pas chez moi ».

Une vidéo polémique a été tournée samedi soir dans un restaurant de Tremblay-en-France, en Seine-saint-Denis. © France 3 Paris IDF/A. Marie

Une enquête de police a fait suite à cette plainte pour aboutir à la convocation du restaurateur devant le tribunal correctionnel pour faits de discrimination, le 24 novembre prochain.

Penchons-nous donc quelques instants sur ce délit prévu par les articles 225-1 et suivants du code pénal, qui a pour objet de sanctionner toute atteinte illégitime portée au principe de l’égalité entre les personnes créé par l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le champ de cette infraction est particulièrement large puisqu’elle vise à s’appliquer à des situations variées, s’agissant de distinctions entre personnes physiques à raison « de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Mais toutes les discriminations ne sont pas sanctionnées ; pour être condamnable, il est impératif que la discrimination en question consiste en l’un des agissements prévu par l’article 225-2 du code pénal, notamment :

  • refus de fourniture d’un bien ou d’un service
  • entrave de l’exercice normal d'une activité économique quelconque
  • refus d'embauche, sanction ou licenciement d’une personne…

Certaines atteintes à l’égalité stricte sont toutefois admises, tant par le code pénal que par des textes extérieurs. Ainsi, en matière d’assurance, il est logiquement admis qu’une discrimination soit opérée en fonction de l’âge ou de  l’état de santé de l’individu. De même en matière d’embauche, une discrimination en fonction du sexe ou de l’âge peut être admise dans certaines situations (dans le mannequinat, par exemple).

Concernant le restaurateur poursuivi devant le tribunal correctionnel balbynien, en revanche, aucune exception légalement justifiable ne semble applicable, si les faits allégués à son encontre devaient s’avérer caractérisés : nul n’a en effet le droit de refuser un client en raison de sa couleur de peau, de sa religion, de son sexe ou de ses mœurs. Même, pour reprendre ses explications, dans le contexte sensible d’un pays frappé par des attentats dramatiques, même en présentant postérieurement ses excuses aux clientes refoulées et à la communauté musulmane.