Matamore

Nul n’a pu ignorer cette semaine que six employés d’Air France avaient été interpellés, lundi matin, dans le cadre de l’enquête relative aux agressions subies par les dirigeants de cette société. Si les réactions de la sphère politique ont été nombreuses, la critique la plus virulente, voire spectaculaire à l’égard de cette procédure a émané de M. Jean-Luc Mélenchon, qui a affirmé sur BFMTV/RMC que « Retenir cinq gars qui défendent leur emploi, une nuit entière, c'est un abus », ajoutant «Moi, je leur dis de recommencer, et de ne pas céder à la peur », se disant même prêt à aller en prison avec eux. Ou, tant qu’il y était, à leur place.

Capture d'écran d'une vidéo YouTube de l'interview du député européen Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV, le 6 octobre 2015.

Est-il besoin de préciser que toutes les personnes qui « défendent leur emploi » ne se retrouvent pas placées en garde à vue ? Que la chose est déjà bien plus commune parmi les mis en cause pour violences volontaires aggravées, notamment lorsqu’on trouve, au nombre des victimes, un vigile ayant momentanément perdu connaissance du fait des violences subies et non pas seulement une ou deux chemises déchirées ? Que la garde à vue n’est pas la prison ?

Si le caractère démagogique des propos de M. Mélenchon, qui se doute bien qu’il ne risque nullement de voir son offre sacrificielle acceptée par quiconque, n’a évidemment échappé à personne, on peut au passage souligner que le populisme peut parfois tomber sous le coup de la loi pénale.

Rappelons en effet que l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse précise que « Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre (…) 1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal. »

Sont ainsi clairement incriminés les discours publics incitant à la commission des infractions visées par le texte, notamment les infractions de violences sur les personnes.

Cette qualification a notamment été retenue au sujet d’un imam qui avait "librement développé ses propos sur l'autorisation donnée aux hommes de frapper leur femme sans évoquer sur ce point l'interdit posé par la loi française".

Concernant l’élément intentionnel de cette infraction, il faut et il suffit que l’auteur des propos ait eu conscience que ses propos pouvaient inciter quelqu'un à commettre une infraction pour qu’ils entrent dans le champ de la répression défini par ce texte.

La peine prévue par la loi étant d’un maximum de cinq années d’emprisonnement, il n’est pas nécessaire que M. Mélenchon aille en prison prendre la place des salariés en cause ; il pourrait éventuellement aller leur y tenir compagnie, le cas échéant.