La société Uber est-elle soluble dans le code pénal ?

Avant même d’affronter une éventuelle semaine de canicule, la France a vu cette semaine la température monter de plusieurs crans entre chauffeurs de taxi et conducteurs de VTC.  Affrontements physiques, agression de client, manifestations sur la voie publique ont amené le président de la République à demander qu'UberPOP soit dissous et déclaré illégal, déclaration qui sous-entend que l’exécutif aurait la possibilité de dissoudre la société Uber.

Des taxis parisiens lors d'une manifestation dans la capitale, le 16 juin 2015.

Est-ce légalement possible ? Non.

L’administration (représentants de l’Etat, du conseil départemental ou de la commune) dispose de pouvoirs de police administrative, mais la dissolution d’une société n’entre nullement dans leurs prérogatives.

Si le code de sécurité intérieure prévoit certaines possibilités d’intervention étatique, la dissolution d’une personne morale n’est possible que dans les cas d’une association ou d’un groupement de fait (article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure) :
« 1° Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ;
2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;
3° Ou qui ont pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;
4° Ou dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;
5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration ;
6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;
7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger. »

L’article suivant de ce code prévoit également la dissolution des associations de supporters.

Il s’agit des seuls cas où l’administration peut condamner à mort une personne morale.

A l’évidence, la société Uber ne relève pas de cette situation.

La possibilité de dissolution évoquée par le président de la République et le ministre de l’Intérieur doit donc être recherchée du côté des dispositions pénales qui répriment certaines infractions commises par des personnes morales (sociétés, associations, collectivités territoriales).

En effet, l’article 121-2 du code pénal prévoit que « les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement (…) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. »

Du fait de cette responsabilité pénale, les sociétés sont susceptibles d’être sanctionnées par une peine, principalement l’amende.

Les articles 131-37 et 39 du code pénal précisent que la dissolution est possible lorsque la loi le prévoit, si la personne morale a été créée pour commettre les faits incriminés ou détournée de son objet pour commettre les faits en cause.

Pour que la dissolution soit prononcée par un tribunal, il faut donc nécessairement que le texte prévoyant l’infraction précise que la dissolution puisse être prononcée pour cette infraction.

En l’occurrence, l’infraction susceptible d’être recherchée est celle d’exercice illégal de la profession de taxi, prévue par l’article 3124-4 du code des transports, sanctionnée pour les personnes physiques d’une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

Pour les personnes morales, la sanction prévue est, outre l’amende, une peine de confiscation du véhicule et d’affichage de la décision.

En aucun cas un tribunal correctionnel ne pourra prononcer la dissolution de la société Uber en cas de condamnation pour délit d’exercice illégal de la profession de taxi.